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2025 : LES INVESTISSEURS NE S’ENNUIERONT PAS ! Dominique Marchese, 2025-02-04

Mots-clés : Trump, US, UE, IA, DeepSeek.

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Les principales bourses mondiales ont entamé l’année 2025 de belle manière, malgré les incertitudes autour du nouveau mandat présidentiel de Donald Trump. Le secteur de la technologie a néanmoins été bousculé par les annonces au sujet d’une startup chinoise, DeepSeek, devenue le symbole de la guerre technologique entre Pékin et Washington dans l’IA (intelligence artificielle). Les actions européennes ont profité du bénéfice du doute : la présentation par la Commission de la « boussole pour la compétitivité » a été plutôt bien accueillie par les marchés, en dépit de nombreux points d’interrogation.

Trump 2.0 : vers la guerre commerciale ?

Dès son investiture, Donald Trump a signé une palanquée de décrets qui témoigne de sa volonté d’agir avec diligence avant les élections de mi-mandat qui se tiendront dans moins de deux ans – gardons à l’esprit que les États-Unis sont un pays en campagne électorale quasi permanente. Jusqu’à présent, ses premières décisions sont peu ou prou conformes à ce que son programme électoral annonçait. Les marchés n’ont donc pas fait montre de nervosité particulière, dans la mesure où les investisseurs, dans leur immense majorité, sont convaincus que les dispositifs qui pourraient relancer l’inflation ou menacer l’excellente santé de Wall Street seraient rapidement édulcorés. Donald Trump est toujours perçu comme un pragmatique avec pour boussole l’effet richesse induit par les marchés financiers et dont profitent les ménages américains – un facteur qui a joué un rôle clé dans la bonne tenue de la consommation privée en 2024. Ce large consensus n’empêchera toutefois pas les brusques poussées de volatilité, comme le lundi 3 février après les annonces de hausse des tarifs douaniers de 25% à l’égard du Mexique et du Canada (décisions reportées depuis) et de 10% à l’encontre de la Chine – accompagnées d’une hausse du dollar qui absorbe une partie du renchérissement des importations américaines. Ce qui est sûr : les investisseurs ne s’ennuieront pas en 2025, la première année du mandat présidentiel qui verra sans doute le pic des turbulences en matière de décisions politiques de la part de la nouvelle Administration.

La banque centrale américaine (Federal Reserve ou Fed) n’aura donc pas une tâche facile. Si le processus de désinflation suit son cours avec la poursuite de la normalisation des salaires, il faut reconnaître que les mesures touchant les tarifs douaniers et l’immigration de travail sont de nature inflationniste. Alors que l’économie tourne à plein régime (PIB en volume +2,7% en 2025 selon le FMI), à un rythme nettement supérieur à sa croissance potentielle grâce aux dépenses des ménages (environ ¾ de la croissance du PIB en 2024) et aux investissements (+4% sur un an), la Fed a peu de raisons de poursuivre sa politique d’assouplissement dans les prochains mois, et devrait adopter une prudente position attentiste afin de constater avec davantage de précision les effets concrets de la politique macroéconomique de Donald Trump. Elle portera ainsi son attention sur les attentes d’inflation qui pour le moment n’ont subi qu’une légère progression depuis les élections de novembre dernier. N’oublions pas que Washington parie toujours sur la dérégulation, la baisse des prix énergétiques et les réductions d’impôts comme puissants contributeurs à la désinflation. Les anticipations de baisse des taux directeurs de la Fed en 2025 se limitent à présent à 25 points de base (0,25%). Il ne serait pas étonnant que la Fed reste finalement immobile tout au long de l’année.

Nous notons que les taux d’intérêt à long terme en dollar (USD) se sont stabilisés (emprunt du Trésor à 10 ans à 4,55%, inchangé depuis le 1er janvier, soit un taux réel – après inflation – de 2,10%), ce qui reflète la grande sérénité des marchés obligataires. Une brutale remontée des taux longs au-dessus de la barre symbolique de 5% (taux réels supérieurs à 2,5%), serait de nature à fragiliser sérieusement les actions américaines compte tenu de leur valorisation élevée. Nous rappelons que les taux longs d’équilibre – suivant la théorie économique – correspondent à l’addition de la croissance potentielle, de l’inflation anticipée et d’une prime de terme supposée rémunérer l’investisseur pour la volatilité des taux d’intérêt. La partie longue de la courbe des taux en USD devrait donc se situer entre 4,5% et 5% (PIB potentiel proche de 2%, inflation 2% à 2,5%, prime de terme 0,5%), ce qui est précisément son niveau actuel. Si Donald Trump venait à accentuer par sa politique la volatilité des marchés obligataires, le risque serait un accroissement de la prime de terme exigée par les investisseurs et/ou une hausse des anticipations d’inflation. Les taux en USD sont donc à surveiller comme le lait sur le feu car ils influencent grandement les marchés financiers américains et mondiaux.

L’Union européenne : vers un salutaire changement de cap ?

Albert Einstein a donné la définition suivante de la folie : celle-ci consiste à faire sans cesse la même chose en attendant des résultats différents. Cette définition s’accorde bien avec l’Union européenne depuis une bonne dizaine d’années, et surtout depuis l’arrivée à la tête de la Commission d’Ursula von der Leyen en 2019. Dans nos précédentes lettres mensuelles, nous avons longuement disserté sur le long mémoire de Mario Draghi sur la compétitivité européenne – qui insiste surtout sur ses faiblesses –, rapport qui en septembre dernier avait fait l’objet d’un accueil plutôt glacial de la part des responsables politiques mis clairement en cause dans le déclin économique de l’Union face aux États-Unis et à la Chine. L’élection de Donal Trump semble finalement avoir convaincu les plus hautes autorités de la nécessité d’un recadrage des politiques communautaires jugées exagérément bureaucratiques. La Commission a ainsi dévoilé son programme intitulé « boussole pour la compétitivité » et son agenda pour les deux prochaines années (cinquante textes à faire adopter). Nous nous permettons ici d’exprimer notre plus grand scepticisme à l’égard de cette initiative qui s’apparente pour le moment à un simple exercice de communication et non pas à un acte de contrition, la plupart des sujets abordés dans le document de la Commission n’apportant rien de révolutionnaire par rapport aux déclarations d’intention passées, par exemple s’agissant de la nécessité d’un marché unique pour les services financiers – dont le nom a été modifié en « Union des épargnes et investissements » –, de la diversification des chaînes d’approvisionnement, ou encore de l’aide aux startups. Première question : ceux qui sont à l’origine du marasme actuel sont-ils les mieux armés intellectuellement pour revoir, parfois à 180 degrés, les directives qui ont accentué le déclassement relatif du Vieux Continent ? Deuxième question : l’annonce d’une cataracte de nouveaux textes communautaires est-elle la réponse la plus opportune à la sclérose économique due à l’excès de normes et de bureaucratie ? Troisième question : alors que la nouvelle Commission reproduit à l’identique la coalition centriste précédente avec un léger déplacement sur sa droite (socialistes, Renew, conservateurs du PPE), qui pourra garantir l’abandon d’idéologies contreproductives à l’origine des textes les plus décriés (taxonomie, Green Deal, Farm to Fork, AI act, CSRD et CS3D qui alourdissent les charges administratives des entreprises…), pour enfin donner la priorité à la prospérité économique de l’Union ? Quatrième question : le défaut majeur de la construction politique européenne est le refus du fédéralisme – qui permet de prendre des décisions et surtout de les corriger beaucoup plus rapidement – ; comment convaincre les peuples de sa nécessité absolue après avoir fragilisé des pans entiers de l’industrie européenne par des réglementations kafkaïennes (télécommunications, énergie, chimie, industrie minière, automobile, banque d’investissement…) ?

En guise d’illustration, le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2010 donnait à chaque pays membre de l’Union l’objectif d’atteindre à horizon 2020 3% de leur PIB en dépenses de recherche et développement. Il était bien compris par les autorités publiques de l’époque que la croissance potentielle ne pouvait être soutenue que par un effort significatif d’innovation et de diffusion des progrès techniques dans la société. Quinze ans plus tard, les chiffres sont calamiteux et démontrent l’incapacité de l’Union à faire exécuter efficacement ce qui a été décidé au sommet : les dépenses publiques et privées de R&D dépassent à peine la barre de 2% (contre 3,5% aux États-Unis), avec des écarts importants entre par exemple l’Allemagne (3,1%, mais pour plus de 40% concentrés dans son secteur automobile moribond) et les pays du sud, Italie et Espagne, qui atteignent péniblement 1,5%, et la France qui dépense 2,2% malgré la qualité indiscutable de ses grandes écoles d’ingénieurs. La « boussole pour la compétitivité » sera-t-elle de nature à résoudre ce problème crucial pour la compétitivité ? Nous nous permettons d’en douter. Nous rappelons que le processus législatif est beaucoup trop long : en moyenne quarante mois pour que le Parlement européen adopte un texte en seconde lecture (contre vingt-quatre mois il y a vingt ans, selon le magazine Le Point, 30 janvier 2025) ! Une éternité dans la course à l’IA et à l’informatique quantique !

A force d’accumuler les réglementations, l’UE a réussi la prouesse d’empiler des politiques devenues contradictoires. La vague de dérégulation et d’ouverture à la concurrence des années 90 et 2000, qui a visé à démanteler les monopoles d’État en vue de favoriser la compétition et donc de faire baisser les prix pour le plus grand bonheur des citoyens-consommateurs, a progressivement fait place à des régulations inflationnistes (net alourdissement des coûts de production), à un protectionnisme contreproductif (taxation récente des véhicules électriques chinois alors que le succès de la transition énergétique réclame une baisse massive des prix des voitures pour les classes moyennes), et à des choix idéologiques plus que contestables (taxonomie qui freine l’investissement privé dans l’industrie de la défense européenne au plus grand bonheur des fournisseurs américains ; lettre de mission récente au commissaire à l’Énergie qui affaiblit la filière nucléaire), et fort éloignés des objectifs premiers des fondateurs du projet européen. Durant le 1er mandat d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, on n’a que peu parlé de prospérité dans les couloirs du Berlaymont ; la petite musique de la sobriété, faux-nez de la décroissance et de l’appauvrissement général, s’est progressivement imposée au grand dam de l’industrie européenne. Alors qu’elle a toutes les cartes en main, l’UE est loin d’avoir fait son aggiornamento. Le temps presse.

DeepSeek : une bonne nouvelle pour le succès de l’IA

Le lundi 27 janvier, les valeurs technologiques ont été secouées par des informations concernant une startup chinoise, DeepSeek, qui a développé deux modèles concurrents des IA génératives américaines telles que celles conçues par OpenAI (ChatGPT-4o et OpenAI-o1 pour le modèle récent aux capacités de raisonnement). Les valeurs liées à l’écosystème de l’IA, en particulier les producteurs de semiconducteurs tels que le célébrissime Nvidia, les fournisseurs d’équipements pour les datacenters, ainsi que les acteurs de l’énergie ont subi des corrections violentes, souvent comprises entre 10 et 20% en une seule séance, avant de se reprendre quelque peu les jours suivants. Que s’est-il donc passé de si inquiétant ? Les premières informations qui ont filtré insistaient sur le coût dérisoire de l’entraînement des modèles de DeepSeek (six millions de dollars contre 50 à 100 millions de dollars pour les grands modèles de langage – LLM – les plus récents actuellement disponibles, utilisation d’un nombre beaucoup plus limité de processeurs GPU Nvidia, non soumis aux sanctions américaines à l’égard de la Chine), pour des résultats comparables à ceux des meilleurs modèles américains. Il n’en fallait pas plus pour déclencher de substantielles prises de profits dans un segment de la cote particulièrement consensuel depuis dix-huit mois. Néanmoins, toutes les valeurs technologiques ne furent pas identiquement frappées. En effet, les producteurs de logiciels, les services informatiques et les fabricants de produits électroniques de consommation tels que les smartphones ont même souvent vu leurs cours progresser. Depuis le 27 janvier, les informations qui circulent semblent indiquer que les performances annoncées par DeepSeek sont largement sujettes à caution. Nous ne rentrons pas ici dans les considérations techniques ; l’architecture des modèles de DeepSeek reposant sur les mêmes bases que les LLM, il nous paraît fort peu probable que les hyperscalers américains qui dépensent des dizaines de milliards de dollars par an pour construire leur infrastructure IA aient accumulé un tel retard en matière d’optimisation des modèles et de leurs investissements. Nous tentons humblement de tirer les conséquences plus évidentes de cet évènement. Pour commencer, la forte volatilité des valeurs technologiques est bien le reflet de la valorisation élevée de ce segment de la cote et du caractère hautement consensuel de l’IA dans les stratégies d’investissement. Ceci milite une fois de plus pour davantage de diversification des portefeuilles en dehors des grands indices ultraconcentrés (gestion active). La deuxième conséquence que nous pouvons tirer de DeepSeek est que la rapidité de diffusion de l’IA – nous devrions plutôt parler des IA – et la multiplication des cas d’usage dans les entreprises et au sein de la population dépendent évidemment d’une baisse significative des coûts. Si le jeu de la saine concurrence permet de diminuer drastiquement les coûts d’entraînement des modèles et celui de l’inférence (utilisation), et notamment la consommation énergétique – véritable bête noire de l’IA générative – , ce ne sera que profitable à l’ensemble des utilisateurs. Autrement dit, si DeepSeek ne s’avère pas un « deep fake », nous pouvons espérer une hausse plus rapide de la contribution de l’IA aux gains de productivité, à la croissance potentielle de l’économie et in fine aux profits des entreprises. Enfin, avec DeepSeek, la Chine démontrerait avec éclat l’inanité des sanctions américaines (restrictions à l’exportation) dans le domaine technologique. Faut-il à présent craindre une baisse des dépenses d’investissement des hyperscalers (Amazon.com, Microsoft, Alphabet, Oracle pour citer les principaux) dans les datacenters (équipements électriques, semiconducteurs IA) ? A court terme nous ne le pensons pas, mais à plus long terme, il est de loin préférable que les leaders du cloud maîtrisent l’enveloppe des investissements consacrés à l’IA et donc leur retour sur les capitaux employés. Finalement, parmi les leaders de la technologie, la valeur la plus en danger reste Nvidia compte tenu de sa valorisation élevée.

Conclusion

Les investisseurs ont plébiscité Donald Trump, ce qui ne signifie pas qu’ils resteront sourds à des décisions irrationnelles qui remettraient en cause l’exceptionnalisme américain (croissance économique forte, gains de productivité, désinflation). Les évènements du mois de janvier (nouvelle Administration à Washington, l’affaire DeepSeek, la « boussole sur la compétitivité » de l’UE) annoncent une année 2025 certes passionnante, mais qui restera inévitablement marquée par les incertitudes et les soubresauts des marchés financiers.




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