Mots-clés: rallye, valorisation, récession, reprise, croissance, ralentissement modéré, désinflation, etc.
Les marchés ont continué de profiter de l’augmentation de l’appétit pour le risque. Le scénario récessif s’est encore un peu plus éloigné alors que les investisseurs ne semblent accorder aucune réelle importance aux risques d’escalade dans le conflit russo-ukrainien, ni même aux discours volontaires des banquiers centraux pourtant toujours déterminés dans leur lutte contre l’inflation. Les pressions à la hausse sur les rendements obligataires n’ont eu que peu d’impact sur les indices boursiers, en dehors des actifs les plus chèrement valorisés (actions technologiques, marché américain).
La surperformance des actions européennes en étonne plus d’un. Elle n’est pourtant pas déconnectée de la réalité.
En début d’année, nous craignions, à juste titre, qu’un ralentissement à peine modéré de l’économie mondiale ne fût pas suffisant pour que le processus de désinflation se déroulât sans anicroche. La demande finale plutôt robuste, en particulier dans les services (l’essentiel de l’activité dans nos économies développées), grâce notamment au marché de l’emploi toujours très solide aux États-Unis et aux politiques budgétaires très expansionnistes en Europe, pose la question de la vitesse du processus de désinflation. On ne peut nier qu’elle déçoit à la lecture des dernières statistiques, en particulier en Europe. Les indices des prix de janvier pointent vers une réaccélération de l’inflation aux États-Unis (indice des prix PCE, l’indicateur le plus suivi par la Réserve fédérale à + 5,4% sur un an, contre un consensus à +5%). Si les autorités monétaires américaines reconnaissent que la désinflation est un chemin cahoteux (« bumpy ride »), il semble que la bonne tenue de la demande domestique, qui éloigne les risques de récession, soit en réalité incompatible avec un retour rapide de l’inflation à 2% , et ce malgré la chute des prix de gros de l’énergie. En Europe, les investisseurs sont également confrontés à de mauvaises surprises sur le front des indices de prix (France, Espagne, Italie), pas uniquement liées aux produits alimentaires, et qui pourraient indiquer que l’inflation est un phénomène plus durable qu’escompté. Le contrat swap d’inflation 5 ans dans 5 ans dans la zone euro (contrat financier qui porte sur l’inflation anticipée dans 5 ans pour une période de 5 ans), en hausse de près de 30 points de base (0,3%) depuis la mi-janvier, dépasse à présent 2,5%, son plus haut niveau depuis le pic du printemps 2022. Nous rappelons que la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne (BCE) vise avant tout à ancrer les anticipations d’inflation, et ce en dépit de la décrue récente des prix de gros de l’énergie et les risques accrus de récession. Tout dérapage éventuel des anticipations des agents économiques ferait l’objet d’une réaction déterminée de la part des banquiers centraux, un scénario qui n’est qu’imparfaitement anticipé par les investisseurs.
Les marchés obligataires ont en toute logique été pénalisés par ces déceptions et la perspective de conditions financières resserrées pour une durée plus longue. Le taux souverain à dix ans en dollar a dépassé la barre des 4%, contre 3,4% à la mi-janvier (taux réel - après inflation anticipée - de retour à 1,6% contre 1,2% en début d’année). Le principal taux directeur de la Réserve fédérale devrait atteindre une fourchette de 5,25% à 5,50% au terme du processus de resserrement monétaire (contre une fourchette de 4,50% à 4,75% aujourd’hui), voire plus si les tensions sur les prix restent trop vives (ce n’est pas le pari des investisseurs). Du côté de la zone euro, les marchés anticipent un taux terminal de la BCE à 4% à horizon 2024, contre un taux de facilité de dépôt actuellement à 2,5%.
Sans doute devons-nous nous féliciter de cette fin d’une certaine forme de déni de la part des marchés, déni qui justifiait notre circonspection à l’égard des actions américaines et des valeurs de croissance en général, compte tenu de la forte sensibilité de leur valorisation aux taux d’intérêt. Depuis leur sommet de début février, les indices technologiques américains ont ainsi abandonné 7 à 8%, soit environ la moitié de leurs gains depuis le début de l’année. A contrario, nous notons la bonne performance des actions réputées « value » (valorisation de marché qui reflète une croissance anticipée faible à modérée des cash-flows), et plus particulièrement des actions européennes qui se comportent à contrecourant des avis de nombreux gérants d’actifs exprimés en début d’année. La guerre en Ukraine, la crise énergétique et la quasi-certitude d’une entrée en récession dès l’hiver 2022-2023 expliquaient bien évidemment les préventions de la majorité des investisseurs internationaux à l’égard des actifs européens. En outre, le processus de resserrement de la politique monétaire beaucoup plus avancé du côté américain, accompagné de l’espoir d’un pivot de la Réserve fédérale dès le second semestre, portait les stratégistes à privilégier les États-Unis et les pays émergents (surtout la Chine soutenue par les perspectives de rebond économique après l’abandon de sa politique « zéro Covid »). Les actions européennes, en hausse de 10% depuis le 1er janvier, contre environ 5% pour leurs concurrents américains (en euro), récompensent jusqu’à présent les investisseurs adeptes des stratégies « contrarian » et surtout soucieux des questions de valorisation. Nous le répétons une fois de plus : valorisées à 18 fois les profits attendus en 2023 (contre un multiple de seulement 13 pour les indices européens), les actions américaines offrent peu de place pour la déception alors que les marchés obligataires en dollar offrent des rendements bruts de l’ordre de 5% pour des maturités moyennes et des émetteurs de bonne qualité (investment grade). Les taux d’intérêt en dollar offrent de réelles alternatives aux actions américaines qui seront mollement soutenues par la dynamique des profits attendus en 2023 (+ 4 à 5%). Nous rappelons que la surperformance des actifs européens en 2022 s’explique parfaitement par les écarts de révision des prévisions de résultats qui ont pénalisé les actions américaines, particulièrement dans la seconde partie de l’année (consensus des bénéfices moins baissier en Europe).
L’Europe bénéficie clairement de l’amélioration des perspectives macroéconomiques mondiales. Ses caractéristiques cycliques et value expliquent en grande partie son très bon comportement boursier, alors que la saison des résultats a été plutôt bien accueillie par les investisseurs, y compris dans les secteurs a priori pénalisés par le ralentissement économique actuellement observé (chimie, banque, automobile par exemple). Finalement, les attentes de croissance bénéficiaire en 2023 sont proches de part et d’autre de l’Atlantique (autour de 4 à 5%). Seule une hausse des multiples de valorisation des actions américaines (baisse de la prime de risque et/ou décrue des taux d’intérêt en dollar) pourrait changer la donne, un scénario dont les chances sont plutôt minces à court terme. Or, nous ne voyons pas très bien ce qui peut autoriser à penser que les beaux jours des bourses européennes (en termes de performance relative par rapport au reste du monde), valorisées à 13 fois les résultats estimés en 2023, sont proches de la fin, en dehors évidemment d’évènements géopolitiques dramatiques qui toucheraient plus sévèrement notre continent. Les actifs américains n’ont pas seulement été pénalisés par la hausse des taux d’intérêt. Les investisseurs ont également dû reconnaître que le secteur de la technologie (toujours dominant dans les portefeuilles des investisseurs internationaux) était loin d’être immunisé face au ralentissement économique. Les déceptions se sont multipliées, notamment au sein des GAFAM, dans le cloud, les produits électroniques de consommation et les semi-conducteurs (mémoires), alors que les attentes de croissance des résultats ont dû être revues à la baisse. Le phénomène ChatGPT (IA) est venu rappeler opportunément que les positions de leader pouvaient être remises en cause (dans le cas présent, le quasi-monopole du moteur de recherche Google), ce qui réduit la prévisibilité des cash-flows lointains et peut justifier une remontée des primes de risque. L’effet d’inertie de près de quinze années de surperformance des valeurs de croissance dans un environnement de taux d’intérêt réels très négatifs semble perdre en intensité, la réalité finissant par s’imposer aux gérants d’actifs financiers. Par ailleurs, les fortes décotes de valorisation de nombreux secteurs européens par rapport à leurs concurrents américains sont de plus en plus difficilement justifiables, compte tenu de leurs bons fondamentaux. C’est notamment le cas des secteurs de la banque, de l’assurance, du pétrole, de la chimie ou encore des services informatiques.
Dans la liste des arguments en faveur des actions américaines au détriment des actions européennes, nous entendons souvent l’argument IRA (Inflation Reduction Act), le programme fédéral de l’Administration Biden qui derrière ses oripeaux de politique de lutte contre l’inflation vise d’abord à subventionner des pans entiers de l’industrie américaine. Ce programme de réindustrialisation des États-Unis offrirait ainsi un avantage compétitif déterminant pour les producteurs américains. Cette analyse n’est pas entièrement fausse, même si elle tend à sous-estimer la capacité de réponse de l’Union européenne. Mais ce qu’elle a surtout tendance à négliger est l’incroyable effort d’internationalisation des activités des groupes cotés européens depuis vingt ans. La multiplicité des crises économiques et financières sur le Vieux Continent, la recherche de nouveaux marchés en croissance et le besoin de produire en zone dollar proche du consommateur final, pour mieux piloter les marges bénéficiaires (limitation du risque de change transactionnel), ont conduit les entreprises européennes à diversifier la répartition géographique de leurs outils de production. Le poids de l’Europe dans la production et les ventes d’acteurs tels que Stellantis (4ème constructeur automobile mondial né du rapprochement entre Peugeot et FCA en 2021, dont 60% du résultat opérationnel provient de l’Amérique du Nord), Solvay (moins de 30% des ventes en Europe de l’Ouest), Roche (plus de 40% des ventes du groupe pharmaceutique suisse en Amérique du Nord), Schneider Electric (à peine un quart des ventes de l’équipementier électrique en Europe de l’Ouest ; le siège du groupe champion de la transition énergétique est basé à Hong-Kong) ou encore Shell, est devenu de plus en plus faible au cours du temps. Nous pourrions multiplier les exemples, notamment dans les services informatiques (poids grandissant des ressources humaines offshore, localisées surtout en Inde) et l’industrie du luxe dont le développement s’appuie davantage sur les clientèles extra-européennes. Un belle illustration de la transformation des entreprises est donnée par Saint-Gobain considérée il y a peu comme un véhicule d’investissement quasi uniquement centré sur l’Europe qui représentait 60% de son résultat opérationnel en 2019. Ce poids est inférieur à 40% aujourd’hui alors que l’Amérique du Nord et les pays émergents représentent respectivement 30% et 32% grâce à de solides bases de production locales.
Ainsi, pour résumer, moins de 50% des revenus enregistrés par les entreprises membres des grands indices européens sont générés de ce côté de l’Atlantique. Si l’on écarte les banques et de nombreuses sociétés de services aux collectivités qui ont une activité essentiellement domestique, le poids de l’Europe dans les revenus descend à seulement 40%. Mais le point capital est que les ventes à destination du reste du monde sont de plus en plus assurées par des outils de production qui ne sont plus localisés en Europe. Les groupes européens qui produisent aux États-Unis profiteront aussi du plan fédéral IRA. Le dénigrement des actions européennes est de plus en plus difficile à défendre. Il y a longtemps que le siège social d’une entreprise ne dit plus rien sur la répartition géographique de ses actifs et de ses ventes. En dernier ressort, le flux des cash-flows sera le juge suprême des indices boursiers. De ce point de vue, les entreprises européennes comblent progressivement leur retard vis-à-vis de leurs concurrents américains.
Nous nous réjouissons de la performance des indices boursiers depuis le début de l’année. La perspective d’un atterrissage en douceur de l’économie mondiale a redonné de l’espoir aux investisseurs. A contrario, il est devenu plus difficile de décrire précisément la trajectoire future de l’inflation alors que les indicateurs avancés de l’activité se redressent et que les surprises négatives se multiplient au sujet des indices de prix (en particulier dans les services). Le combat contre l’inflation n’est pas gagné ; à tout le moins il devrait durer plus longtemps que prévu (conditions financières resserrées pour une durée plus longue). Si les marchés offrent de la valeur aux investisseurs patients (rendement des free-cash-flows des indices mondiaux à 5%, sa moyenne historique de long terme), nous restons vigilants à l’égard des actions américaines dont la performance dépend beaucoup de la politique monétaire de la Réserve fédérale. Nous privilégions le stock picking
(sélection de valeurs individuelles) parfaitement adapté à l’environnement incertain que nous connaissons. L’Europe offre toujours davantage de valeur
dans de nombreux secteurs dont la valorisation souffre, depuis la crise des dettes souveraines de 2010-2012, d’une décote structurelle de plus en plus difficile à justifier.
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