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Note mensuelle actions : l’édition de juin 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-06-07

Le retour des incertitudes politiques 

  • Après l’inflation et la guerre commerciale, les risques politiques au centre des préoccupations
  • Les marchés sont-ils complaisants face aux risques ?

APRÈS L’INFLATION ET LA GUERRE COMMERCIALE, LES RISQUES POLITIQUES AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS

Même si ces dernières années l’expérience nous a démontré que l’économie est  bien plus résistante aux aléas politiques qu’il n’y parait (Brexit, montée des populismes, élection de Donald Trump, crises géopolitiques,…), il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir de nuisance des responsables politiques sur les marchés financiers. Après les tensions liées à la volonté de Donald Trump d’en découdre avec ses principaux partenaires commerciaux - la perspective d’une guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde semble néanmoins vouloir se transformer en simples disputes -, c’est au tour de l’Europe du sud d’alimenter une vague de scepticisme sur  les actifs risqués européens, en particulier sur les actions. C’est tout le scénario de l’année qui est ainsi remis en cause : alors qu’elles avaient légèrement surperformé durant les premiers mois de l’année, amorçant une phase de rattrapage que nous espérions depuis longtemps, les bourses européennes sont à nouveau délaissées au profit des actions américaines qui jouent, comme à leur habitude en pareil cas, le rôle de valeurs refuges pour les investisseurs internationaux, propulsant dans la foulée le dollar à la hausse. Il y a quelques semaines à peine, la réforme fiscale et la politique budgétaire américaines laissaient craindre un affaiblissement significatif du dollar malgré le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale en avance sur les cycles des autres principales banques centrales de la planète. La cherté au moins relative des actions américaines et la volatilité marquée des valeurs technologiques (scandale Facebook, régulation, incertitudes dans le marché des smartphones et des semi-conducteurs) avaient réussi à convaincre les gérants d’actifs internationaux qu’il y avait mieux à faire en Europe. La hausse des taux en dollar, reflet de la politique de la Réserve fédérale, du creusement du déficit budgétaire et de la remontée de l’inflation, pouvait légitimement laisser craindre un détournement des capitaux au détriment des actions américaines. Le taux des obligations du Trésor à deux ans en dollar est déjà supérieur au rendement des dividendes de l’indice S&P 500 (2,4% contre 2%). 

Hélas, c’était oublier un peu trop rapidement la versatilité des marchés qui n’ont ni oublié la crise des dettes souveraines de 2010-2012 (qui a plongé la zone euro en récession), ni exprimé à aucun moment une confiance aveugle dans la capacité de l’Union européenne à se réformer, en témoigne la prime de risque toujours  élevée exigée sur les actions du Vieux Continent, très supérieure à celle observée aux États-Unis malgré l’amélioration indubitable des marges bénéficiaires et des rendements sur fonds propres observée depuis trois ans en Europe. En réalité, face à des pouvoirs exécutifs fragilisés au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et  en Italie – seule la France semble vouloir sortir de trois décennies d’immobilisme – et malgré le statut de prêteur en dernier ressort de la Banque centrale européenne (BCE) depuis juillet 2012, les investisseurs n’ont jamais adopté une attitude euphorique face aux actions européennes. Ce qui n’empêche pourtant pas les corrections boursières d’être sévères ! Les investisseurs internationaux accordent davantage de confiance à l’économie nord-américaine, malgré un cycle qui fêtera l’an prochain ses neuf ans et les extravagances de Donald Trump. 

L’Italie prend-elle le chemin de la Grèce ? La zone euro va-t-elle revivre les belles heures de la crise des dettes souveraines ? Il est beaucoup trop tôt pour spéculer sur l’avenir politique de l’Italie et reparler de la pérennité de la monnaie unique. Malgré le compromis trouvé in extremis entre le président Sergio Mattarella, la Liga et le Movimento 5 Stelle, la forte progression des rendements des obligations souveraines italiennes et le début de contagion aux emprunts d’État des pays du sud de l’Europe laissent penser que les investisseurs sont enclins à parier sur une aggravation de la crise dans les prochains mois. Il est exact que les chances de voir la nouvelle coalition gouvernementale travailler main dans la main avec les institutions européennes semblent pour le moins bien minces.  En outre, le veto spectaculaire opposé par Sergio Mattarella au premier gouvernement proposé par la Liga et le Movimento 5 Stelle sera sans doute interprété comme une atteinte à la démocratie par de nombreux citoyens, renforçant de facto l’assise électorale des partis antisystème. 

Néanmoins, d’un autre côté, la crise des dettes souveraines a démontré que même les pays dirigés par des populistes de gauche (Grèce, Portugal), ont dû se résoudre à adopter une politique économique raisonnable pour continuer à faire partie de l’euro, politique qui donne aujourd’hui des résultats positifs. Depuis 2012, un pays qui accepte de respecter les règles européennes est assuré d’être défendu par la BCE contre les agressions spéculatives des marchés financiers. Or l’Italie jouit de fondamentaux plus solides que ces pays au moment de leur sauvetage, avec une excédent budgétaire primaire (hors service de la dette), une  dette publique détenue à 65% par les résidents et une balance extérieure positive. Sa constitution est elle-même un gage de sérieux budgétaire et de respect des traités européens ; beaucoup d’observateurs ont d’ailleurs été surpris de constater que la présidence de la République n’est pas qu’une simple charge honorifique. L’Italie n’en est pas à sa première crise. Nous osons croire que le coup de semonce - le taux  à dix ans de l’obligation souveraine a atteint 3,4% dans la journée du 29 mai, un niveau supérieur au coût moyen de la dette italienne autour de 3% - servira de rappel salutaire à ceux qui voudraient entraîner l’Italie dans une aventure aux conséquences incalculables. 

LES MARCHÉS SONT-ILS COMPLAISANTS FACE AUX RISQUES ?

 
Les investisseurs commémoreront bientôt la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers déclarée le 15 septembre 2008, un événement à la portée alors inimaginable et dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. Si pour beaucoup ce désastre fut imprévisible, il fut pour d’autres l’inéluctable aboutissement d’une financiarisation de l’économie au-delà de toute raison. La question qui hante aujourd’hui les esprits étonnés par la longueur du cycle économique et boursier est celle de la nature de la prochaine secousse qui déclenchera une nouvelle ère glaciaire sur les marchés financiers. Retour de l’inflation, nouveau choc pétrolier, éclatement de la bulle de dettes publiques et privées accumulées depuis 2008 ou encore crise géopolitique majeure sont autant de sujets d’inquiétude légitimes abondamment relayés par les médias. 
On entend souvent affirmer que les incertitudes expliquent la frilosité des investisseurs. Or, les marchés ont de tout temps évolué dans un océan de risques et d’imprévus qui justifient que les investisseurs reçoivent un surcroît de rendement par rapport aux taux d’intérêt des emprunts d’État réputés sans risque. Il est parfaitement irrationnel d’exiger une absence totale de hasard pour investir dans les actions de sociétés cotées, puisque, selon la théorie financière, dans un tel environnement idyllique la prime de risque serait nulle. En outre, pour faire face aux risques bien identifiés - hausse des prix du pétrole, emballement des salaires, normalisation des politiques monétaires des banques centrales, ralentissement de l’économie vers son rythme de croissance potentielle -, les investisseurs ont à leur disposition une foule d’instruments financiers qui leur permet de gérer leurs conséquences sur la volatilité des prix des actifs financiers. 

Les aléas ne doivent donc pas nous empêcher d’investir. Nous observons néanmoins des réticences de la part d’investisseurs qui évoquent le prochain krach boursier ou la prochaine débâcle obligataire sans toutefois être en mesure de décrire avec précision la séquence des évènements susceptibles d’aboutir à la prochaine catastrophe. En effet, risques et évènements imprévisibles ne recouvrent pas parfaitement les mêmes réalités et font souvent l’objet de confusion. Les risques portent sur des évènements dont on peut essayer d’évaluer la probabilité d’occurrence au moyen de modèles plus ou moins sophistiqués. Les évènements imprévisibles relèvent d’évènements rares non quantifiables aux conséquences potentiellement catastrophiques ; on parle de « cygnes noirs » popularisés par Nassim Taleb. Ils hantent l’esprit des investisseurs depuis la crise de 2008, et conduisent nombre d’entre eux à ne plus accepter les phases de respiration parfaitement naturelles des marchés. Si la nature du prochain « cygne noir » est par définition inconnue, de même que sa date de survenance, il est néanmoins possible d’en limiter l’impact sur la valorisation d’un portefeuille par une diversification judicieuse des avoirs, une allocation dynamique et flexible, et par des techniques financières de couverture contre les pertes extrêmes. 

Les marchés boursiers sont-ils devenus complaisants face aux risques ? Nous répondons par la négative lorsque nous calculons la prime de risque des actions européennes proche de 6%. La question de la complaisance est en réalité davantage pertinente sur les marchés de taux d’intérêt, en particulier sur le segment des obligations d’entreprises dont les primes de risques ont été écrasées par les politiques des banques centrales et la chasse aux rendements. Les bourses sont-elles complaisantes face aux « cygnes noirs » ? Voilà une question insensée que se posent inconsciemment de nombreux investisseurs traumatisés par les multiples crises des dix dernières années. L’Italie est-elle un « cygne noir » ? Evidemment non puisqu’il s’agit d’un risque parfaitement identifié, et ce depuis fort longtemps. Ses principaux points faibles sont bien connus des économistes. Nous citerons dans le désordre le poids de la dette publique (132% du produit intérieur brut), l’insuffisance des investissements dans les nouvelles technologies, la faiblesse de la productivité, l’insuffisance du niveau de qualification de la population active, la démographie en berne et la croissance potentielle de l’économie proche de zéro. Nous pourrions encore pointer du doigt le système électoral qui vise à ce qu’aucun parti ne remporte la majorité de gouvernement, conduisant à des coalitions bancales et à une instabilité politique chronique.  Ne dit-on pas que l’Italie est le laboratoire politique du monde démocratique ? Silvio Berlusconi, par exemple, ne fut-il pas annonciateur il y a plus de vingt ans du phénomène Donald Trump ? Les taux italiens et la bourse de Milan servent d’ailleurs de révélateur de la prime de risque exigée par les investisseurs. Certes, elle peut varier avec plus ou moins de force dans le temps, en fonction des évènements politiques. Cependant, un investisseur ne peut fonder ses décisions d’allocation d’actifs sur l’unique scénario toujours possible mais pour le moment peu probable de l’effondrement d’un pays de la zone euro et de la fin de la monnaie unique, car cette hypothèse de travail le conduirait à rester immobile, incapable de profiter des primes de risque offertes par les marchés. Par contre, il peut gérer activement ce risque, ce que nous ne cessons de faire au quotidien. En guise d’illustration, il y a quelques semaines, alors que la volatilité des indices boursiers était revenue à ses niveaux d’avant la correction de février, ce qui pouvait d’ailleurs paraître fort surprenant compte tenu de la multiplicité des risques évoqués plus haut et alors que les résultats des élections législatives italiennes étaient connues de tous, nous avons saisi l’occasion pour renforcer dans les fonds actions les couvertures contre des pertes extrêmes (achat de contrats d’options de vente sur les indices).


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