Mots-clés: performance, valorisation, IA, intelligence artificielle, technologie, profitabilité des entreprises, efficience des marchés, inflation, politiques monétaires, stock picking, diversification, risques géopolitiques, etc.
Peu d’investisseurs ont cru à un tel scénario en début d’année : les principaux indices actions ont battu de nouveaux records malgré le ralentissement économique, la réinitialisation des attentes d’assouplissement monétaire jugées trop agressives, et le contexte géopolitique qui n’invite pas à adopter une attitude béatement optimiste. Les raisons de cette performance solide des actifs risqués, qui ne s’apparente pas à une bulle (cf. notre lettre mensuelle précédente), sont bien identifiées : le redressement des indicateurs avancés de conjoncture qui laisse entrevoir un rebond cyclique de l’activité à partir du second semestre, la bonne tenue de l’économie américaine qui profite du redressement des gains de productivité, la sortie de la crise énergétique dont profitent les Européens, la stabilisation des consensus bénéficiaires pour l’exercice 2024 suite à une saison des publications des résultats trimestriels qui a démontré la résilience des marges de profitabilité des entreprises, et pour finir la poursuite tant bien que mal du processus de désinflation qui annonce le prochain cycle de baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Réserve fédérale américaine (Fed). Si les actions ont été à la fête durant le 1er trimestre, les marchés obligataires sont restés plutôt atones, pénalisés par l’atténuation des attentes de baisses de taux directeurs.
Les principaux indices mondiaux enregistrent des performances proches de 10% (en dollar) au 1er trimestre. Les indices de la zone euro dépassent même ce niveau et n’ont rien à envier aux marchés américains, une très belle surprise compte tenu de la sous-pondération des portefeuilles des gérants d’actifs mondiaux dans cette région et de la médiocrité persistante de l’activité économique sur le Vieux Continent. Nous notons également que les indices technologiques n’ont pas mieux performé que les indices généraux diversifiés. C’est plutôt une bonne nouvelle : le thème de l’intelligence artificielle (IA) générative n’est plus le seul à diriger les indices. Nous soulignons ainsi les très belles performances des secteurs financiers, de l’énergie, et de l’industrie, autrement dit le retour de secteurs réputés plus sensibles au cycle économique. Alors que les actions chinoises restent décevantes et pénalisent les indices émergents, nous pointons la très bonne tenue de la bourse de Tokyo (surtout en devise locale), qui reste néanmoins tributaire de la politique monétaire de la Banque du Japon et de la faiblesse du yen.
Comme nous l’avons déjà expliqué dans notre lettre mensuelle précédente, l’hypothèse d’une bulle généralisée sur les marchés d’actions doit être exclue à ce stade, même si les valorisations sont plus tendues qu’il y a trois mois et que l’appétit pour le risque atteint des niveaux compatibles avec le scénario d’une probable correction technique à plus court terme. Toutefois, c’est bien la solidité des perspectives bénéficiaires qui soutient les marchés : le consensus attend 10% de progression des profits aux États-Unis cette année (contre +1% à peine en 2023) et environ 3% en Europe (une croissance comparable à l’an dernier mais toujours sur des niveaux de marge élevés). Les attentes nous paraissent raisonnables à ce stade. Le rendement mondial des free cash flows des actions pour l’année 2024 est proche de 4%, un niveau certes inférieur à sa moyenne de long terme (5%), mais encore très supérieur aux niveaux observés lors des deux crises financières majeures que furent l’éclatement de la bulle internet en 2000 et la crise des subprimes en 2008. Avant le déclenchement des marchés baissiers, le rendement des flux de trésorerie était dans les deux cas inférieur à 2% ! Pour rappel, le free cash flow mesure l’excédent de trésorerie généré en une année par les entreprises ; il donne une bonne idée de ce que les sociétés cotées peuvent retourner aux actionnaires sous la forme de dividendes en espèces et/ou en rachats d’actions.
En début d’année, les inquiétudes de nombreux investisseurs portaient principalement sur la normalisation de la profitabilité des entreprises après le pic exceptionnel post-Covid (pricing power soutenu par la demande exceptionnelle de biens et les tensions dans les chaînes d’approvisionnement). A présent, cette période de normalisation semble en grande partie dépassée. Nous observons une stabilisation des marges bénéficiaires à de bons niveaux et même un léger redressement aux États-Unis. D’une part, l’impact du choc des taux d’intérêt a été mieux absorbé qu’escompté, grâce notamment aux nombreuses directions financières qui ont profité des taux d’intérêt très bas pour se refinancer à bon compte et rallonger la maturité de leur passif. D’autre part, les gains de productivité observés aux États-Unis permettent de contenir les coûts unitaires de production en hausse d’environ 2% par an, malgré des salaires en progression de 4%. Nous insistons à nouveau sur le fait capital que ces gains profitent à toutes les entreprises qui possèdent des actifs de production aux États-Unis, y compris aux sociétés européennes qui n’hésitent plus à menacer leurs gouvernements de réduire la voilure en Europe pour tirer profit de politiques fédérales américaines plus cohérentes et de prix de l’énergie plus faibles (gaz naturel environ trois fois moins cher de l’autre côté de l’Atlantique). Parmi les fleurons européens qui jouissent d’une base d’actifs très significative au pays de l’Oncle Sam, nous pensons à Stellantis (industrie automobile), Schneider Electric (biens d’équipement), Syensqo (chimie de spécialité) ou encore Ahold Delhaize (grande distribution et commerce en ligne).
Le processus de désinflation suit son cours. Certes, la dernière étape pour atteindre les objectifs des banques centrales (2%) est évidemment la moins aisée. Les séries statistiques sont davantage susceptibles de faire apparaître ponctuellement des données décevantes, ce qui d’ailleurs a été le cas durant le 1er trimestre aux États-Unis. Cependant, la trajectoire d’ensemble n’est pas remise en cause, comme en témoignent les dernières prévisions de la BCE pour l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) attendue en 2025 et 2026, à savoir +2,1% et +2,0%, attentes révisées légèrement à la baisse par rapport aux prévisions rendues publiques en décembre dernier (respectivement +2,3% et +2,1%). L’observation des contrats swaps d’inflation 5 ans dans 5 ans en dollar et en euro témoigne également de l’ancrage des anticipations d’inflation, qui démontre la crédibilité intacte des banques centrales et autorise dès-lors à espérer des baisses de taux directeurs, dès ce printemps pour la BCE (juin est le plus probable), et peut-être plus tardivement pour la Fed qui n’a aucune raison de se presser compte tenu de la solidité de l’économie américaine. Il est évident que la perspective de politiques monétaires plus accommodantes reste un facteur de soutien important pour les marchés.
Qu’en est-il des perspectives sur les marchés d’actions ? Nous l’avons déjà précédemment indiqué : les leaders technologiques qui ont été les principaux moteurs de la bourse américaine l’an dernier ne forment pas un groupe homogène. Parmi les désormais célèbres « 7 Magnifiques », Nvidia, Meta, Amazon.com et Microsoft sortent du lot en termes de performances boursières depuis le début de l’année, soutenus par des résultats trimestriels solides et la pertinence de leur stratégie en matière d’IA. Il n’en est pas de même pour Apple, Alphabet et Tesla. Apple semble en retard dans l’IA générative, et surtout perd des parts de marché en Asie face à des acteurs dont les smartphones n’ont plus grand-chose à envier au géant de Cupertino. Les rumeurs de discussion avec Alphabet pour intégrer dans ses produits sa plateforme d’IA générative nommée Gemini n'est pas pour rassurer. Alphabet souffre des inquiétudes sur la trajectoire future de sa part de marché archidominante dans les moteurs de recherche, alors que l’IA générative pourrait rebattre les cartes dans ce domaine. La très forte hausse des investissements dans les infrastructures et son impact négatif sur la génération de cash-flow libre ont inquiété les investisseurs à l’occasion de la publication de ses résultats trimestriels. Pour finir ce rapide tour d’horizon des leaders américains de la technologie, Tesla subit le ralentissement du marché des véhicules électriques, de la concurrence accrue des acteurs chinois dans le segment haut de gamme, et de fortes pressions sur les prix.
Ce très bref résumé des tendances dans la technologie et l’IA a pour but de faire passer deux messages. Le premier est que les marchés restent finalement efficients et jouent leur rôle de force discriminante entre les acteurs cotés : les gagnants sont récompensés, les perdants ou les modèles économiques qui sont menacés sont sanctionnés. La stratégie de stock picking (sélection de valeurs individuelles) sur la base des fondamentaux démontre donc toute sa pertinence face aux stratégies passives centrées sur les indices boursiers devenus pour beaucoup hyperconcentrés. Le second message est qu’il est fortement conseillé de diversifier au maximum son portefeuille. Après la progression de 20 à 25% des principaux indices boursiers mondiaux depuis le mois de novembre 2023, les investisseurs vont naturellement chercher à mieux répartir les risques, et à davantage pondérer les secteurs en retard ou les segments de marché très décotés, tels celui des petites et moyennes valeurs, notamment en Europe. La perspective d’une amélioration de l’activité économique que reflète le redressement du consensus milite également pour davantage d’intérêt porté aux secteurs plus cycliques.
Un dernier mot sur la géopolitique qui est sans doute la grande absente des préoccupations des investisseurs qui semblent s’habituer dangereusement à l’ensauvagement du monde. Il est important de garder à l’esprit que le risque principal pour les marchés financiers n’est sans doute pas tant économique que politique. Aucune crise économique ne semble poindre à l’horizon. Les relations internationales restent par contre préoccupantes comme autant de facteurs perturbateurs pour les marchés financiers. De ce point de vue, l’année 2024 sera déterminante en Ukraine où la Russie pourrait chercher à pousser son avantage dans une guerre d’attrition dont les Occidentaux ont manifestement sous-estimé les enjeux. Au Proche-Orient, l’état de guerre est là pour durer. Les portefeuilles d’actifs financiers doivent être construits en conséquence, afin de traverser au mieux les inévitables soubresauts géopolitiques et absorber les pics de volatilité. Dans ce contexte incertain, les investisseurs tireront profit des rendements obligataires réels (après inflation anticipée) redevenus positifs, notamment dans les segments les moins risqués (dettes souveraines et émissions d’entreprises notées investment grade).
Nous le répétons : les marchés actions ne sont pas en phase de bulle. Les valorisations sont généreuses sans être excessives. De nombreux secteurs plus sensibles au cycle et le segment des petites et moyennes entreprises jouissent de valorisations attrayantes. L’Europe reste globalement peu chère ainsi que certaines régions émergentes. L’engouement au départ indiscriminé pour l’IA générative a fait place à davantage de pondération et surtout de prudence de la part des investisseurs. Les perspectives bénéficiaires se sont globalement améliorées, soutenues par la stabilisation puis le début de redressement des indicateurs avancés de conjoncture. Le processus de désinflation vers l’objectif de 2% n’est pas remis en cause. Le pivot de la BCE et de la Fed est attendu au mitan de l’année, peut-être plus tard du côté de la banque centrale américaine.
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