Comme nous l’avions pressenti dès le mois d’octobre, le scénario d’atterrissage en douceur de l’économie (soft landing) dessine bien l’environnement le plus favorable pour les marchés financiers. En dépit d’attentes des investisseurs jugées trop optimistes s’agissant de la vitesse et de l’ampleur des prochaines baisses de taux d’intérêt des principales banques centrales occidentales, les portefeuilles continuent de bénéficier de la bonne tenue des indices actions et de la faible volatilité des marchés obligataires. Les soubresauts géopolitiques ont un impact à peu près nul sur le moral des investisseurs, y compris les tensions en mer Rouge. Leurs regards semblent déjà portés sur la prochaine reprise cyclique de l’activité.
Pourquoi la Réserve fédérale américaine (Fed) se hâterait-elle pour assouplir sa politique monétaire ? Les performances économiques des États-Unis sont excellentes, supérieures aux attentes des économistes (progression du produit intérieur brut - PIB - en volume nettement au-dessus de 2% - son rythme de croisière - durant le 4ème trimestre), alors que les principaux indices actions atteignent des sommets. Malgré les dernières statistiques qui confirment la trajectoire de désinflation (une réelle surprise si l’on se souvient que l’objectif premier du resserrement de la politique monétaire était bien de freiner la demande intérieure pour atténuer les pressions inflationnistes), la Fed peut se permettre d’attendre. Les investisseurs prennent progressivement conscience que le pivot monétaire ne peut avoir lieu que si l’économie ralentit réellement. Une des raisons qui expliquent l’erreur de prévision des économistes en 2023, qui dans leur grande majorité attendaient un fort refroidissement économique voire une récession (PIB réel finalement en hausse de 2,5%), est la dynamique du marché du travail dont la modération est toute relative : trois millions de nouveaux emplois ont été créés l’an dernier, qui ont soutenu la consommation déjà portée par l’usage des excédents d’épargne accumulés durant la pandémie (aides fédérales). Les dépenses des ménages prennent ainsi plus de temps que prévu à se normaliser tout comme celles des entreprises qui jusqu’à présent n’ont pas trop souffert du resserrement des conditions financières. N’oublions pas le soutien supplémentaire apporté par le déficit budgétaire, supérieur à 6% du PIB, dont aucune amélioration n’est attendue en 2024 : démocrates et républicains partagent une vision keynésienne de l’économie politique, les premiers privilégiant les dépenses publiques, les seconds les baisses d’impôts.
Le consensus s’attend néanmoins à un ralentissement de l’activité américaine en 2024 (progression autour de 1,3% en volume), mais pas à une récession dont les causes habituelles ne sont pas présentes. Contre toute attente, le resserrement monétaire et la forte hausse des taux d’intérêt à long terme n’ont qu’un impact limité sur le dynamisme de l’économie. Par conséquent, la Fed exigera d’avoir d’avantage de données pour agir, notamment concernant le marché de l’emploi. C’est le sens des commentaires de plusieurs responsables de la banque centrale américaine qui sont venus récemment tempérer les propos de décembre dernier de son président Jerome Powell, propos qui avaient conduit à des anticipations de baisses des taux directeurs sans doute excessives (en début d’année les marchés reflétaient six détentes monétaires en 2024 contre trois prévues par la Fed). Les commentaires prudents de ses collègues ont par la suite été relayés par Jerome Powell lui-même lors de la conférence de presse à l’issue du FMOC du 31 janvier (Federal Open Market Committee). Il y a donc probablement peu à attendre durant le 1er semestre du côté des taux directeurs. La conséquence de la prise de conscience par les marchés de la vigilance de la Fed est la légère tension observée sur la courbe des taux d’intérêt en dollar. Le taux de rendement actuariel des obligations du Trésor à 10 ans est repassé au-dessus de la barre de 4%. Le taux réel (taux nominal moins l’inflation anticipée) tourne autour de 1,8%, mais reste très inférieur au sommet de 2,5% observé au début de l’automne dernier.
Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), la situation est tout de même très différente. Seul le dynamisme de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal permet à la zone euro de garder la tête hors de l’eau, l’Allemagne connaissant une légère récession. Mais il faut reconnaître que la situation est particulièrement morose : les secteurs les plus sensibles aux taux d’intérêt sont frappés de plein fouet par la politique monétaire restrictive de la BCE ; les marchés du crédit sont au point mort. Contrairement aux États-Unis, les ménages européens ne puisent pas dans leur épargne qui reste à des niveaux élevés ; la consommation mesurée en volume n’est toujours pas revenue à sa tendance pré-Covid. Certes, les investissements des entreprises ont plutôt bien résisté grâce à leur bonne santé financière (marges bénéficiaires et cash-flows élevés, impact des programmes européens), mais les carnets de commande sont en berne et le contexte international reste sombre.
Dans ce contexte peu enthousiasmant et qui mériterait de poser la question de l’efficacité des politiques publiques nationales et européennes depuis la crise de 2008, la BCE a décidé de garder un ton résolument restrictif en matière monétaire, en dépit du flirt de la zone euro avec la récession. Frôlons-nous l’erreur de politique monétaire ? L’avenir nous le dira.
S’agissant des marchés actions, nous notons le solide démarrage de la bourse américaine, toujours portée par les « sept magnifiques » (Alphabet, Amazon.com, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia, Tesla), malgré la piètre performance du constructeur automobile (cours de l’action en baisse de 25% depuis le début de l’année) et de quelques déceptions à l’occasion de la publication des résultats du 4ème trimestre (Alphabet, Apple). Les analystes de JP Morgan ont récemment insisté sur le fait que les dix plus grosses capitalisations boursières représentaient près de 30% du principal indice américain, un niveau de surconcentration qui s’approche des records observés lors de la bulle internet en 2000. La thématique de l’intelligence artificielle (IA) - ultra consensuelle mais rarement bien comprise - a remplacé l’engouement irraisonné pour internet à l’époque, même si bien évidemment les profitabilités actuelles des leaders de la technologie n’ont rien de comparable aujourd’hui. Il est par contre indéniable que le niveau de valorisation actuel des sociétés technologiques ne souffre aucune déception en termes de résultats. La forte baisse des cours de Tesla et Alphabet, après des publications jugées décevantes, témoigne de la faiblesse des primes de risque dans ce secteur, et commande donc la plus grande prudence et davantage de sélectivité. S’agissant d’Alphabet, il semble que la déception porte moins sur l’activité et les résultats que sur le niveau des investissements nécessaires (capex) dans le cloud et l’IA (10% supérieur au consensus au 4ème trimestre), qui pèse inévitablement sur la génération des free-cash-flows. Les investisseurs sont-ils surpris d’apprendre que la révolution numérique repose sur des infrastructures physiques qui exigent des capex significatifs ? La transition digitale ne se déploie pas uniquement dans une seule dimension virtuelle, lorsqu’il s’agit d’investissements en serveurs, data centers, semi-conducteurs et infrastructures de communication, sans parler de la forte consommation d’énergie.
Nous observons par ailleurs que la performance des actions européennes n’est pas si décevante par rapport à la bourse américaine, lorsque les rendements sont mesurés en devises locales (le dollar a progressé de 2% face à l’euro depuis le 1er janvier). La différence de performance depuis le 1er janvier entre la zone euro et le principal indice américain est proche de 1%, ce qui est bien peu compte tenu des écarts de poids sectoriels (indices américains dopés aux valeurs technologiques). Les marchés européens profitent finalement de leur très faible valorisation et de publications de résultats satisfaisantes, voire de très bonne facture (LVMH, ASML, Shell). Nous terminons ce bref tour d’horizon par les actions chinoises qui ont le plus grand mal à sortir de l’ornière (crise immobilière, faiblesse de la demande intérieure) malgré la perspective d’un soutien public accru à l’économie.
Plus généralement, le scénario de soft landing qui s’est imposé dans l’esprit des investisseurs est plutôt une bonne nouvelle pour les indices actions. Il ne menace en rien la forte génération des cash-flows des entreprises ; il réduit la volatilité des marchés obligataires ; il autorise enfin à espérer un rebond cyclique de l’activité à partir du second semestre ou début 2025 selon la région considérée. A cela s’ajoutent le retour des gains de productivité aux États-Unis et la modération des coûts unitaires du travail, autant de bonne nouvelles pour la trajectoire des profits et pour l’inflation. Le seul bémol sur lequel nous insistons est la complaisance des marchés à l’égard des risques géopolitiques qui atteignent des seuils élevés au Proche et Moyen-Orient, en mer de Chine méridionale et en Europe de l’Est. Nous mentionnons également l’incertitude autour des échéances électorales. La prime de risque géopolitique est selon nous inexistante, ce qui justifie de privilégier des stratégies de gestion équilibrées combinées à l’usage d’actifs financiers capables de jouer le rôle de couverture en cas de retour de la volatilité, tels que les obligations souveraines de qualité qui offrent à nouveau des rendements réels positifs.
Le scénario d’atterrissage en douceur de l’économie combiné avec la perspective, plus tard dans l’année, de baisses de taux d’intérêt directeurs de la Fed puis de la BCE nous permet de garder une vue plutôt optimiste sur la performance des marchés financiers (actions et obligations). Le retour des gains de productivité aux États-Unis en 2023 (avant le déploiement à grande échelle de l’IA !) protège la profitabilité élevée des entreprises et conforte la trajectoire de désinflation. L’engouement pour les « Magnificient Seven » semble vouloir marquer une pause : les publications de résultats ne rencontrent pas toujours les attentes très optimistes du consensus et se heurtent aux valorisations élevées. La volatilité modérée des marchés obligataires est plutôt rassurante. La situation économique européenne n’est certes pas très engageante, mais la performance des actions européennes est davantage pilotée par la saison des résultats jusqu’à présent plutôt satisfaisante et la stabilité des taux d’intérêt longs. Seul le contexte géopolitique doit nous inciter à davantage de vigilance. Aujourd’hui, les investisseurs font fi de la nette dégradation des relations internationales. Qu’en sera-t-il demain ?
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