Alors que les indices boursiers ont été soutenus par l’engouement pour le déploiement rapide de l’intelligence artificielle générative (IA), les signes d’essoufflement de l’économie mondiale se sont accumulés. Le resserrement des marchés du crédit commence à faire sentir ses effets, notamment dans les secteurs de l’immobilier et de la construction. Les politiques monétaires restrictives se transmettent progressivement à l’ensemble de l’économie. Malgré la robustesse du marché de l’emploi, la dynamique des dépenses des ménages s’érode sous l’effet de la perte de pouvoir d’achat réel et de la disparition prochaine de l’épargne excédentaire accumulée durant la crise sanitaire. L’intensité du rebond économique de la Chine (fin de la politique zéro Covid) faiblit. La seule réelle bonne nouvelle, en dehors de l’accord sur le plafond de la dette fédérale américaine, est la poursuite du processus de désinflation renforcé par la forte correction des prix énergétiques, qui permet d’espérer la fin prochaine du cycle de hausse des taux directeurs des banques centrales.
Nous avons évité la récession durant l’hiver, mais nous pourrions finalement la vivre vers la fin de cette année. En 2022, la combinaison du formidable choc énergétique et du fort renchérissement des taux d’intérêt (+500 points de base pour le principal taux directeur de la Réserve fédérale américaine , c’est-à-dire +5% depuis mars 2022) avait conduit la grande majorité des acteurs économiques à anticiper une récession. La région la plus vulnérable était l’Europe empêtrée dans sa dépendance au gaz naturel russe. La rapidité des ajustements décidés par les autorités politiques (recherche d’alternatives aux importations russes facilitée par la moindre demande chinoise de GNL, programmes de sobriété énergétique, plans d’aide aux ménages et aux entreprises) ajoutée à des températures hivernales plutôt douces et à une baisse de la consommation de gaz naturel d’environ 15%, grâce notamment à la contraction de la production du secteur manufacturier, a permis à l’Europe d’absorber le choc au-delà de nos espérances. Les prix de gros du gaz naturel ont chuté pour revenir à leurs niveaux d’avant le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine le 24 février 2022. Les importations de produits énergétiques dont le coût total représentait plus de 5% du PIB de la zone euro au plus fort de la crise devraient représenter environ 2,5% du PIB au deuxième trimestre 2023, une réelle bouffée d’oxygène pour l’économie. Nous soulignons également le fait que les stocks stratégiques de gaz naturel à la sortie de l’hiver sont très supérieurs à leurs moyennes historiques. Compte tenu des ajustements qui ne devront plus être opérés dans les prochains mois, la zone euro pourrait aborder l’hiver 2023-2024 dans de biens meilleures conditions.
Nous l’avons déjà souligné dans nos lettres précédentes : l’activité économique finalement plus solide qu’attendu, surtout dans les services qui profitent encore de la réouverture des économies post-Covid, a permis aux entreprises cotées de publier des résultats de bonne facture au premier trimestre et au consensus des bénéfices (attentes des analystes) de se stabiliser pour le restant de l’année. Les indices boursiers en ont logiquement profité (hausses d’environ 8 à 10% selon les marchés depuis le début de l’année), grâce également à la stabilisation des taux d’intérêt à long terme, reflet des attentes des investisseurs quant aux politiques monétaires futures. Les anticipations d’inflation sont restées bien ancrées (crédibilité des banques centrales dans la lutte contre l’inflation) alors que le processus de désinflation suivait son cours aux États-Unis, en avance sur le cycle européen (tensions inflationnistes toujours préoccupantes selon la banque centrale européenne). Rares sont les investisseurs à croire au scénario de spirale prix-salaires, du moins s’agissant des salaires américains dont le rythme de progression décélère.
La situation a cependant évolué dans un sens plus inquiétant à court terme. Les effets des politiques monétaires restrictives se font progressivement sentir. Le renchérissement des taux d’intérêt s’accompagne d’un durcissement des conditions d’octroi des prêts bancaires, aggravé aux États-Unis par la crise des établissements de petite taille dont l’impact est significatif dans le secteur immobilier commercial. Si les services restent plutôt robustes (transport, tourisme…), les indicateurs du climat des affaires dans le secteur manufacturier se replient. Plus généralement, nous notons un essoufflement des indicateurs avancés de l’activité. Dans les économies très dépendantes de la bonne santé financière des ménages, la question de leur capacité à alimenter le moteur de la croissance économique se pose avec acuité. Jusqu’à présent, la bonne tenue du marché de l’emploi (réticence des entreprises à licencier alors que les profits restent globalement élevés) et l’épargne accumulée durant la pandémie ont permis aux consommateurs d’absorber le choc inflationniste. Toutefois, les signes de vulnérabilité se multiplient, alimentés par le retournement des marchés immobiliers résidentiels et la perte de pouvoir d’achat réel (progression des salaires inférieure à l’inflation). Pour terminer, nous signalons la décélération du rebond post-Covid en Chine.
La conséquence logique de ces perspectives de croissance mondiale plutôt médiocres au second semestre est l’attentisme des investisseurs et la sous-performance boursière des secteurs cycliques, notamment des valeurs énergétiques et des producteurs de matières premières. Seules les valeurs technologiques, surtout celles directement concernées par l’IA générative (Nvidia, ASML, ASM International, Alphabet, Microsoft…), enregistrent de belles performances ces dernières semaines. Les marchés américains sont toutefois tirés par un nombre de titres toujours plus limité, le reste de la cote enregistrant des prestations boursières à peine positives depuis le début de l’année, ce qui reflète la grande circonspection des investisseurs. L’atonie générale des profits des sociétés cotées attendue en 2023 avec des pressions à la baisse déjà visibles sur les marges bénéficiaires aux États-Unis (avec toutefois de grandes disparités sectorielles), accompagnée par la relative stabilité des taux d’intérêt à long terme, explique parfaitement le manque d’énergie des indices. Nous ne cesserons de le répéter : les actions américaines sont chères dans l’absolu et en relatif par rapport aux marchés obligataires dans un contexte où le scénario de récession est devenu plus crédible. Le marché Nasdaq se paye plus de 28 fois les profits agrégés estimés pour 2023 ! Seule la perspective de la fin prochaine du processus de resserrement monétaire de la banque centrale américaine (Fed), dont les responsables ont exprimé leur volonté de faire une pause pour mieux évaluer les effets de leur politique et du récent stress bancaire, est de nature à soutenir davantage les indices. Néanmoins, il ne faut sans doute pas espérer le début d’une phase de baisse des taux directeurs de la banque centrale américaine avant la fin 2023.
Depuis le formidable buzz autour du modèle d’IA générative ChatGPT (OpenAI), les fantasmes n’ont cessé d’alimenter les débats. Le sujet mérite une note mensuelle à lui seul, tant cette révolution est de nature à transformer radicalement l’économie et plus fondamentalement nos sociétés. Malheureusement, le manque de culture scientifique de la majorité de la population n’aide en rien la société à clarifier les enjeux du déploiement à très grande vitesse de cette technologie dont les principes ne sont pas nouveaux - on connait depuis de nombreuses années les réseaux de neurones artificiels, l’apprentissage profond et leurs applications telles que les chatbots Alexa (Amazon.com) et Siri (Apple), ou encore les systèmes de conduite autonome développés par Tesla. Ce qui est par contre inédit est la combinaison du big data (masse considérable de données nécessaires à l’entrainement des modèles d’IA générative), de formidables capacités de calcul grâce à l’émergence de nouvelles puces (en particulier dans la catégorie des GPU ou Graphical Processing Units) et bien évidemment d’avancées majeures dans la science algorithmique et les réseaux de neurones dits convolutifs, qui a notamment permis un considérable bond en avant dans le traitement du langage naturel de l’être humain. Ces technologies ont rapidement nourri les débats sur les dangers de l’utilisation irraisonnée de l’IA, alors qu’elles sont en réalité déjà abondamment utilisées depuis plusieurs années sous différentes formes (basées pour les plus anciennes sur des logiques différentes des réseaux neuronaux), les systèmes experts étant par exemple largement répandus dans de nombreux secteurs d’activité, les premiers datant des années 60. On notera le nombre important de romans/films/séries dystopiques dont les scénarios postapocalyptiques reposent souvent sur la destruction de la civilisation par une IA devenue hors de contrôle. Déjà le film 2001, l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968) avait beaucoup contribué à diffuser ces fantasmes, avec son inquiétante IA prénommée HAL.
Les questions qui nous intéressent plus particulièrement en tant qu’investisseurs concernent les conséquences de l’IA générative pour les entreprises. Grossièrement, nous pouvons partitionner l’univers d’investissement en trois groupes avec des intersections qui ne sont pas vides. Le premier ensemble regroupe les entreprises qui contribueront au développement de l’IA, par exemple NVidia grâce à ses puces GPU, ou encore Microsoft, partenaire et actionnaire d’OpenAI, concepteur de ChatGPT. Dans le second groupe, nous plaçons les entreprises dont les barrières à l’entrée seront renforcées et le volume d’affaires dopé par le déploiement de l’IA générative par exemple dans la recherche médicale ou celle sur la physique des nouveaux matériaux. Le troisième groupe contiendra les « victimes » de ce que l’économiste Joseph Schumpeter appelait la destruction créatrice. On pourrait ajouter un ensemble de secteurs peu affectés par l’IA, mais celle-ci se déploie à une telle vitesse qu’il nous semble difficile d’imaginer qu’il puisse subsister à terme des activités parfaitement abritées. Il va de soi que de nombreuses entreprises appartiendront simultanément aux groupes 2 et 3 selon la diversité de leurs métiers. A ce stade, si quelques bureaux d’analyse financière se sont prêtés au jeu de la définition des secteurs et des activités les plus menacés par l’IA générative (avec plus ou moins de bonheur), nous estimons qu’il est bien trop tôt pour distinguer les gagnants des perdants. Le rythme d’adaptation des entreprises, qui dépendra beaucoup de la bonne formation scientifique et technologique de leurs collaborateurs, déterminera leurs chances de survie. C’est bien évidemment dans le premier ensemble qu’il faut aujourd’hui se concentrer : les « vendeurs de pelles et de pioches » dans une ruée vers l’or qui laissera beaucoup d’entreprises sur le carreau. On y trouve les équipementiers de semi-conducteurs, les gestionnaires d’infrastructures et de services cloud, les développeurs de modèles d’IA, et tout ce qui gravite autour de cet écosystème. Attention ! Les leaders de la technologie, souvent considérés comme des valeurs refuges, seront également bousculés par l’IA qui pourrait remettre en cause des positions réputées imprenables. En guise d’illustration, nous songeons au moteur de recherche Google (Alphabet).
Plus généralement, alors que le vieillissement démographique de la population et les difficultés de recrutement des entreprises pèsent sur la croissance potentielle de l’économie, l’IA générative semble être une belle promesse de dopage de la productivité, promesse qui ne pourra se réaliser pleinement sans un renforcement significatif des enseignements scientifiques et technologiques dès la plus jeune enfance. Ceux qui ont émis l’idée farfelue que le métier d’enseignant de mathématiques était à terme menacé par l’IA générative n’ont rien compris des enjeux.
La trajectoire de la croissance économique pour les prochains mois n’est pas particulièrement engageante pour les investisseurs : les profits agrégés ne progresseront que faiblement voire pas du tout alors que le pic de profitabilité exceptionnelle observé à la sortie de la pandémie est bien derrière nous. Les entreprises ont sans difficulté répercuté la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente, et même souvent bien davantage. Le consommateur final, aidé en partie par l’État, a payé une grande proportion de la facture du choc inflationniste. Or les marges bénéficiaires se sont déjà retournées aux États-Unis. Elles résistent encore en Europe en retard sur le cycle américain. Si la probable pause monétaire de la Fed est bienvenue, les actions offrent peu de catalyseurs dans les prochains mois. Les marchés obligataires sont devenus des concurrents sérieux. Nous réitérons un message plutôt prudent à court terme en reconnaissant que le contexte actuel offre des opportunités sectorielles spécifiques. Nous osons toutefois espérer que l’engouement pour l’IA n’attise pas les comportements irrationnels de la part des investisseurs, tels que ceux observés lors de la bulle de la blockchain et des cryptoactifs durant la pandémie. L’IA mérite mieux qu’une bulle spéculative de plus.
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