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Note mensuelle actions : l’édition d'avril 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-04-03

Un marché monomaniaque

  • Un premier trimestre marqué par le retour de la volatilité
  • Les craintes d’une guerre commerciale ne doivent pas masquer les vrais sujets

UN PREMIER TRIMESTRE MARQUÉ PAR LE RETOUR DE LA VOLATILITÉ

 Durant le premier trimestre, les marchés auront démontré leur inclination naturelle à la monomaniaquerie. Après le vent d’optimisme des premiers jours de l’année, les investisseurs se sont rapidement inquiétés des risques de surchauffe de l’économie, à la faveur d’une statistique du coût de l’emploi aux États-Unis qui semblait annoncer, pour certains, le retour de l’inflation. Il est vrai que le taux de chômage mondial est revenu à ses plus bas niveaux d’avant la crise de 2008. Pratiquement partout, les économies sont proches du plein-emploi. Ces inquiétudes en partie légitimes ont alimenté une rapide hausse des taux d’intérêt, surtout ceux des obligations du Trésor américain, provoquant un brutal décrochage des indices boursiers. Par la suite, alors que les indices d’inflation ne montraient nulle part des signes clairs d’emballement - les salaires américains n’ont d’ailleurs pas confirmé la statistique publiée en janvier (aucune preuve d’accélération de la hausse) - les anticipations d’inflation se sont stabilisées et les taux ont cessé de grimper, permettant du même coup aux bourses de récupérer une partie plus ou moins significative du terrain abandonné depuis la fin du mois de janvier. Durant le rebond, l’indice Nasdaq des valeurs technologiques américaines s’est même offert le luxe de battre un nouveau record historique. Finalement, les investisseurs se retrouvaient en présence d’un environnement macroéconomique idéal, ni trop chaud, ni trop froid, avec une économie mondiale en croissance de près de 4% en volume et des prix en hausse modérée, éloignant le scénario catastrophe d’un krach obligataire qui serait favorisé par un durcissement quasi synchronisé des politiques monétaires des principales banques centrales (Réserve fédérale, Banque centrale européenne, Banque du Japon, Banque populaire de Chine).

Donald Trump et le léger essoufflement des  indicateurs avancés d’activité sont venus casser cette belle dynamique, alors que les fondamentaux économiques n’ont pas changé d’un iota. L’unique sujet du moment est devenu le retour du protectionnisme, alors que paradoxalement le commerce mondial se porte très bien, en hausse de 4% en volume par an. Certes, d’aucuns pointent le manque de visibilité de la politique de Washington après la valse des conseillers, l’imprévisibilité du président américain et son unilatéralisme qui méprise le rôle indispensable joué par les agences internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Pourtant, on observe que l’ampleur des mesures protectionnistes n’est pas, pour le moment, de nature à remettre en cause le degré d’ouverture de l’économie mondiale. La séquence du feuilleton des droits douaniers sur l’acier et l’aluminium a semblé démontrer que Donald Trump est surtout fidèle à sa méthode qui consiste à négocier en position de force. Les exemptions accordées au Mexique, au Canada et à l’Union européenne indiquent qu’il n’est pas aveugle aux conséquences potentiellement dommageables d’une hausse des tarifs douaniers pour les consommateurs américains. Si l’adoption de tarifs douaniers punitifs viole les règles de l’OMC, symbole du multilatéralisme, Donald Trump n’hésite pourtant pas à lui adresser une plainte au sujet des agissements commerciaux de la Chine jugés déloyaux ! N’oublions pas que la consommation des ménages représente près de 70% de la richesse produite des États-Unis (PIB). Durant de nombreuses années durant lesquelles les salariés américains n’ont pas bénéficié de hausses de salaires (partage de la valeur ajoutée en faveur des actionnaires au détriment des salariés ; hausse des inégalités), le pouvoir d’achat des ménages n’a été soutenu que par les importations à bas prix de produits manufacturés, notamment en provenance de la Chine. L’éparpillement des chaines de production dans le monde entier a largement profité aux entreprises américaines dont les bénéfices et les cours de bourse ont fortement progressé. Donald Trump désire-t-il casser la dynamique de hausse de la bourse de New-York alors qu’il se vantait, il y a peu, de ses excellentes performances favorisées par sa réforme fiscale et sa politique budgétaire ? Nous en doutons sérieusement. Nous pouvons d’ailleurs raisonner par l’absurde : alors que l’économie américaine connait le plein-emploi, où trouver les réserves de main-d’œuvre qualifiée capables de travailler dans des usines relocalisées aux États-Unis grâce aux mesures protectionnistes ? Comment, par exemple, rapatrier les usines de fabrication de semi-conducteurs et de composants électroniques basées en Asie, nécessaires à la production des smartphones ? Le consommateur américain est-il prêt à payer plus cher des produits frappés de droits de douane ou fabriqués à nouveau sur le sol américain ? Comment Donald Trump peut-il réussir à convaincre les milieux d’affaires, les lobbies et le Congrès plutôt favorables au libre-échange ? Le protectionnisme est une politique fondamentalement inflationniste dans le cas où il existe peu de produits de substitution aux importations. La rhétorique de la Maison Blanche s’inscrit finalement dans le contexte de la politique intérieure américaine ; le président s’adresse en priorité à son électorat à l’approche des élections législatives de mi-mandat. 

En résumé, nous n’adoptons pas le scénario noir d’une guerre commerciale généralisée. Il s’agit certes d’un risque que nous suivrons de près, mais nullement d’un axiome servant à l’élaboration de notre stratégie d’investissement. L’ouverture récente de négociations entre les États-Unis et la Chine, qui n’hésite pas à brandir la menace d’une dévaluation du yuan, semble indiquer que le protectionnisme restera limité et sans effet notable sur la croissance mondiale. Néanmoins, il faut reconnaître que les critiques de Donald Trump sur le pillage de la propriété intellectuelle par les entreprises chinoises et le manque de réciprocité, par exemple en matière de règles qui président à l’accès aux marchés domestiques et aux investissements, ne sont pas totalement infondées. En la matière, l’Union européenne continue de pécher par naïveté.

LES CRAINTES D’UNE GUERRE COMMERCIALE NE DOIVENT PAS MASQUER LES VRAIS SUJETS. 

Déjà dans la note précédente, nous nous posions la question de savoir si la baisse des marchés boursiers ne reflétait pas plutôt les inquiétudes sur la maturité du cycle économique et les perspectives bénéficiaires. Nous nous demandions si le retour de la volatilité n’était pas lié à des questions plus sérieuses que les gesticulations de la Maison Blanche et les craintes exagérées sur le retour de l’inflation. Après tout, les cours des actions sont censés incorporer toutes les informations économiques et financières connues des investisseurs et anticiper les retournements de cycle avec quelques trimestres d’avance (deux ou trois selon des études empiriques). La correction serait-elle annonciatrice d’un prochain ralentissement économique, voire d’une récession ? Une décélération de la croissance mondiale semble en effet inévitable. Comme nous l’indiquions précédemment, l’économie mondiale est proche du plein-emploi. Le taux de chômage, proche de 5,5%, soit son plus bas niveau depuis la crise de 2008, ne peut plus diminuer par le seul soutien de la demande ; des réformes structurelles importantes sont nécessaires dans la formation de la population active (notamment dans les nouvelles technologies), l’éducation de la jeunesse, etc. Les économistes sont d’accord sur ce point : le taux de progression de l’activité va inéluctablement converger vers le taux de croissance potentielle, soit autour de 2,5% par an en volume contre près de 4% aujourd’hui. La question est évidemment de savoir à quel rythme cette normalisation se fera. L’essoufflement des indicateurs avancés d’activité constaté depuis janvier un peu partout sur la planète, indices qui restent néanmoins à des niveaux élevés et compatibles avec une économie en croissance soutenue, indique que l’on est sur le point de dépasser le haut du cycle. Nous notons d’ailleurs qu’il s’agit bien du message véhiculé par les marchés des obligations souveraines. Ces dernières semaines, les taux longs se sont détendus - le taux à 10 ans de l’obligation du Trésor américain n’a pas dépassé la barre symbolique des 3%  - ; les courbes de taux ont eu tendance à s’aplatir (rétrécissement de l’écart entre les taux longs et les taux courts). Le seul paramètre qui permettrait encore de maintenir le rythme de croissance économique à un niveau élevé et d’allonger ainsi la durée du cycle est une hausse significative des investissements productifs, ce qui n’est pas exclu dans certaines régions du monde, par exemple dans la zone euro qui a souffert durant de nombreuses années d’un manque de dépenses en nouvelles technologies et de modernisation de son capital productif. Néanmoins, en tout état de cause, une récession semble exclue dans un avenir proche. 

Un point important à garder à l’esprit est bien évidemment la contribution significative de la Chine à la croissance mondiale. Environ le tiers du rythme de progression de l’activité trouve son origine dans l’empire du Milieu. Malgré le durcissement des conditions financières décidé par Pékin dans le but de lutter contre les déséquilibres économiques et notamment la bulle d’endettement, la croissance de la Chine tient le cap (progression du commerce extérieur, montée en gamme de la production et investissements significatifs dans les infrastructures, l’énergie et les nouvelles technologies). 

En résumé, nous considérons les craintes des investisseurs sur la croissance mondiale exagérées. Le seul risque systémique sur lequel nous insistions en début d’année est le danger que constitue l’endettement mondial à un record historique dans l’hypothèse d’une brutale hausse des taux d’intérêt (solvabilité des emprunteurs, risque de fort recul de la demande). Or, ce scénario semble vouloir s’éloigner. Les forces structurelles qui vont à l’encontre d’un emballement général des prix sont toujours à l’œuvre : mondialisation, vieillissement de la population en Europe, Japon et Chine, « ubérisation » de l’économie et émergence de plateformes technologiques qui remettent en cause de nombreux métiers traditionnels (distribution, publicité, hôtellerie, médias,...), etc. Malgré le plein-emploi, la hausse des salaires n’accélère pas. 

La croissance des bénéfices est redevenue le véritable moteur des marchés boursiers et non plus la hausse des multiples de valorisation favorisée par les politiques monétaires. Nous ne pensons pas qu’il est susceptible de se gripper dans les prochains mois, même si la force de l’euro tempère quelque peu les attentes des investisseurs en Europe. La génération des cash-flows libres reste considérable (environ 5% des capitalisations boursières). Autrement dit, les forces de rappel existent et devraient permettre au marché de regagner un peu de sérénité lorsque les investisseurs auront recouvré leurs esprits. Certes, le véritable problème auquel les investisseurs ont dû faire face durant ce premier trimestre est la corrélation positive entre les principales classes d’actifs. Les portefeuilles diversifiés ont ainsi connu des performances négatives ; la part investie en obligations, dont les prix ont légèrement baissé (hausse des taux), n’a pas réussi à compenser les baisses de 5 à 6% en euro enregistrées par les principaux indices boursiers depuis le début de l’année. Seules les stratégies de couverture qui ont profité de la hausse de la volatilité ont permis d’absorber une partie de la correction.

A ce stade, nous ne pouvons que garder la tête froide et faire preuve de patience. Le retour de la volatilité dans un contexte incertain est du pain béni pour les gérants adeptes de la gestion active, non indicielle. Les occasions d’achat à bon compte se multiplient, en particulier en Europe où la valorisation raisonnable des indices boursiers est loin de refléter une bulle spéculative. Un rendement des dividendes de 3,5% rémunère généreusement la prise de risque. La correction de l’indice Nasdaq est également une bonne nouvelle pour ceux qui se désespéraient de pouvoir profiter de la révolution digitale en payant le juste prix.



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