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Note mensuelle actions : l’édition d'octobre 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-10-09

Les marchés boursiers sans réelle tendance

  • Tensions commerciales et Italie sur le devant de la scène
  • Tensions sur les taux d’intérêt : la Réserve fédérale donne le ton

TENSIONS COMMERCIALES ET ITALIE SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE.

La fin de l’été n’aura finalement pas été synonyme de capitulation des marchés boursiers, ni même de début de consolidation des indices nord-américains. Il faut croire que les investisseurs avaient déjà très largement intégré l’ensemble des risques géopolitiques bien connus de tous dans leur stratégie d’allocations d’actifs : les tensions commerciales, la perspective renforcée d’un « hard Brexit » et le dérapage budgétaire italien, pour ne citer que l’actualité.

LA RÉALISATION D’UNE PARTIE DES RISQUES ANTICIPÉS PAR LES MARCHÉS N’A PAS EU L’IMPACT TANT REDOUTÉ SUR LES PRINCIPAUX INDICES BOURSIERS.

Alors que la bourse américaine s’offrait le luxe de nouveaux records historiques, grosso modo les marchés européens et émergents conservaient leurs niveaux de la fin du mois d’août. La volatilité est restée finalement très modérée, hormis dans quelques sous-segments du marché.

PRUDENCE MAIS PAS DE REJET À L’ÉGARD DES ACTIONS.

Notre lettre mensuelle précédente insistait sur le très voire trop large consensus contre les actifs risqués, en particulier contre les actions, alors que la dynamique de la croissance économique mondiale et les bénéfices publiés par les entreprises cotées ne militent pas pour un abandon franc et massif d’une des rares classes d’actifs à offrir des rendements attrayants à long terme (autour de 8% par an en moyenne sur longue période, d’après nos calculs). Seule la réalisation des pires scénarios envisagés (guerre commerciale généralisée à la manière des années Trente, crise existentielle de la zone euro déclenchée par l’Italie,…) justifierait une attitude de rejet à l’égard des indices boursiers. Certes, pour le moment, les incertitudes justifient pleinement une certaine dose de prudence (stratégies de couverture contre les risques extrêmes, diversification des portefeuilles, réduction de la part investie dans les secteurs les plus cycliques), mais en aucun cas une sortie complète des marchés.

GUERRE COMMERCIALE SINO-AMÉRICAINE SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE.

Pourtant, les sujets d’inquiétude n’ont pas manqué. Tout d’abord, la Maison-Blanche a finalement décidé d’imposer des taxes douanières de 10% sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises, sans attendre l’issue des négociations avec Pékin qui a immédiatement réagi en adoptant des mesures de rétorsion. En l’absence de traité avec la Chine, les tarifs seront automatiquement relevés à 25% en janvier prochain. Dans le même temps, Washington a conclu un nouvel accord commercial avec le Canada, quelques semaines après celui signé avec le Mexique, ce qui semble bien indiquer que les États-Unis ont d’abord un problème plus fondamental avec la Chine, considérée du point de vue géopolitique comme la plus grande menace à long terme contre leur leadership mondial. Néanmoins, nous continuons de penser que le scénario de tarifs douaniers de 25% sur la totalité des importations chinoises aux États-Unis pénaliserait fortement le consommateur américain habitué depuis des lustres à trouver dans les malls ou sur internet une abondance de produits bon marché importés des pays émergents et difficilement remplaçables par de la production domestique, ce qui rend in fine ce scenario peu probable. Donald Trump a-t-il les moyens politiques de fragiliser la consommation intérieure qui représente 70% de la richesse créée en une seule année (produit intérieur brut ou PIB) ? Pour le moment, les hausses tarifaires n’ont qu’un impact modéré sur la croissance mondiale et l’économie chinoise. Cependant, le consensus des économistes estime que le scénario décrit ci-dessus se traduirait par un impact négatif significatif de 1% sur le PIB de la Chine.

ITALIE : LA QUESTION DE LA CRÉDIBILITÉ DU GOUVERNEMENT DE COALITION ENTRE LA LIGUE ET M5S EST POSÉE.

Du côté de l’Italie, les tensions sur la dette souveraine et les actions de la bourse de Milan ont été ravivées le dernier vendredi du mois de septembre, lorsque le gouvernement de Rome a présenté les grandes lignes d’un budget jugé trop dispendieux par de nombreux observateurs.

Ce n’est pas tant l’objectif de déficit de 2,4% du PIB en 2019 et ramené à 1,8% en 2021 qui pose question  - la dette italienne devrait légèrement diminuer en points de PIB sur la période concernée – que les hypothèses de croissance de l’économie jugées fantaisistes. L’élaboration d’un budget sur une hypothèse de croissance moyenne de l’activité de 1,5% par an alors que le consensus est à peine supérieur à 1% (rythme de progression de 2018 attendu à 1,2%), ce qui correspond peu ou prou à la croissance potentielle italienne, et que la hausse des taux d’intérêt menace le dynamisme économique, pose clairement la question de la crédibilité du gouvernement de coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 Étoiles (M5S).

UNE CROISSANCE DE L’ACTIVITÉ INSUFFISANTE.

Surtout, le budget italien propose peu de dépenses d’investissement nécessaires pour doper le potentiel de croissance d’une économie qui souffre du manque de compétences de sa population active et d’un capital productif peu compétitif. Le problème fondamental de l’Italie n’est pas lié à un prétendu manque de sérieux budgétaire de la part des gouvernements qui ont précédé la coalition entre la Ligue et le M5S : depuis plusieurs années, l’État est en excédent primaire. Hors intérêts payés sur sa dette souveraine, l’Italie dégage un excédent budgétaire ! C’est bien le stock de dettes accumulé les trente dernières années et aggravé par la crise économique de 2008-2009 qui, joint à une croissance de l’activité insuffisante, est le véritable talon d’Achille de ce pays.

LES AUTORITÉS ITALIENNES RAMENÉES À DAVANTAGE DE RAISON.

Contribuant à hauteur de 14% du PIB de la zone euro, mais à 20% des dettes souveraines, l’Italie est évidemment un problème systémique, bien plus que ne l’a été la Grèce au paroxysme de la crise. Heureusement, le récent coup de semonce des marchés (hausse de l’écart de rendement entre les obligations souveraines italiennes et allemandes à plus de 3%, des niveaux inégalés depuis 2014) et les cris d’orfraie des responsables politiques européens semblent avoir déjà ramené les autorités italiennes à davantage de raison.

Guiseppe Conte, président du Conseil, vient de présenter une version amendée du budget qui vise un déficit de 1,8% en 2021 contre 2,4% précédemment, permettant une diminution de la dette de plus de 130% du PIB à 124,6% en trois ans sous des hypothèses de croissance économique jugées par trop optimistes, comme nous l’avons déjà souligné. Ce projet doit encore être défendu devant le parlement national et la Commission européenne.

A court terme, les deux risques principaux sont la relégation par les agences de notation de la dette souveraine dans la catégorie spéculative et le déclenchement d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne. Avec un tel stock de dettes et des besoins importants de refinancement, l’Italie n’a aucun intérêt à voir les taux d’intérêt s’envoler. La prise en compte des seuls besoins de refinancement du Trésor en 2019 nous amène à estimer que 1% d’augmentation des taux d’emprunt représenterait déjà une charge supplémentaire de 25 milliards d’euros par an, soit 1,5% du PIB !

NOTRE SCÉNARIO POUR L’ITALIE.

Même si la question italienne va très certainement demeurer longtemps au cœur des préoccupations des investisseurs, et malgré les choix de politique économique plus que contestables - que sont devenues les réformes structurelles ? - , nous continuons de miser sur le retour du bon sens de la part des responsables politiques, comme ce fut le cas en Grèce et au Portugal malgré leurs dirigeants étiquetés gauche radicale et les promesses électorales farfelues. Un scénario envisageable est que la coalition contre-nature entre la Ligue et le M5S prenne fin rapidement, peut-être à l’occasion des élections européennes de mai 2019. Matteo Salvini n’a jamais caché son ambition de placer son parti, la Ligue, comme la pièce maitresse d’une grande coalition de centre-droit qui, au pouvoir, rassurerait sans doute davantage les marchés (forte assise électorale dans les milieux d’affaires et parmi les patrons de PME des régions industrielles du nord de l’Italie). La forte progression de la Ligue dans les sondages milite en faveur d’un tel dénouement. Le plus dur pour Mateo Salvini reste de persuader Forza Italia, la formation affaiblie de Silvio Berlusconi

TENSIONS SUR LES TAUX D’INTÉRÊT : LA RÉSERVE FÉDÉRALE DONNE LE TON.

Selon nous, le sujet le plus important de la fin du mois de septembre concerne bien la question des taux d’intérêt qui ont une influence déterminante sur la formation des prix de marché des actifs financiers. Aux États-Unis, le taux souverain à 10 ans a brusquement franchi la barre symbolique des 3% pour atteindre 3,20%, son plus haut niveau depuis sept ans. Le taux réel (taux d’inflation soustrait) à deux ans est repassé en territoire positif. La pente de la courbe des taux (différence entre les taux longs et courts) s’est légèrement redressée, une nouvelle positive car les investisseurs craignent une inversion de la courbe qui, pour beaucoup, signifie un risque élevé de récession.

PRESSIONS INFLATIONNISTES ET RESSERREMENT MONÉTAIRE.

La Réserve fédérale, qui a relevé son principal taux directeur pour la troisième fois cette année, a clairement indiqué sa volonté de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire. Le fort dynamisme de l’économie américaine lui en donne le droit. Même si les dernières statistiques publiées ne révèlent toujours pas de dérapage des coûts salariaux (rythme annuel de hausse des salaires inférieur à 3%), le taux de chômage à un plus bas niveau depuis 49 ans et les tensions salariales qui apparaissent dans certains secteurs de l’économie plaident pour un resserrement des conditions monétaires. Signe des temps, Amazon vient d’annoncer sa décision d’augmenter le salaire minimum à 15 dollars de l’heure, soit deux fois le niveau minimum fédéral. Cette annonce, dans un contexte de plein-emploi, n’est en rien anecdotique puisqu’elle concerne une progression de l’ordre de 3 à 5 dollars de l’heure au bénéfice de plus de 250 000 employés du groupe, soit environ un tiers de ses effectifs.

Pour le moment, les anticipations d’inflation des agents économiques restent bien ancrées, en témoigne l’évolution du swap d’inflation en dollar (contrat financier portant sur l’inflation à cinq ans attendue par les marchés dans cinq ans) qui reflète la grande confiance des investisseurs dans la politique de la Réserve fédérale. Cependant, cet ancrage est évidemment à surveiller de près puisque dans le même temps les prix du pétrole ne cessent de grimper sous l’effet de contraintes sur l’offre mondiale (Venezuela, Lybie, sanctions américaines contre l’Iran, production de pétrole de schiste du bassin permien entravée aux États-Unis, volonté de l’OPEP et de la Russie de maintenir les prix du pétrole au-dessus de 80 dollars le baril de brut léger). En outre, le relèvement des tarifs douaniers renforce également les pressions inflationnistes.

DÉJÀ DES IMPACTS SIGNIFICATIFS DANS TOUTES LES CLASSES D’ACTIFS.

La fin du cycle monétaire ultra-expansionniste des années d’après-crise n’est certes pas un thème nouveau. Néanmoins, le cycle de normalisation monétaire qui se met progressivement en place a des conséquences significatives dans toutes les classes d’actifs. Dans la zone euro, les taux souverains semblent vouloir progresser par sympathie avec les taux américains, dans l’attente de la fin de la politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne en décembre prochain. La classe des actifs obligataires est évidemment fragilisée par le cycle de hausse des taux qui semble bien vouloir se préciser et par la faiblesse des primes de risque qui concernent aussi bien les obligations souveraines que les marchés du crédit aux entreprises. Et cela dans un environnement où la dette totale publique et privée représente 225% du PIB mondial (estimation du FMI à fin 2016), soit 40 points de plus par rapport au niveau d’avant la crise des subprimes de 2018. Une fois de plus, dans un contexte légèrement inflationniste, les actions ne sont pas si mal positionnées, à condition que le rythme de hausse des taux d’intérêt reste modéré, autrement dit que les taux nominaux ne menacent pas la solvabilité des agents économiques endettés, en particulier celle des pays de l’OCDE.

QUELLES CONSÉQUENCES MAJEURES ?

Nous tirons déjà deux conséquences majeures de l’évolution des taux d’intérêt. D’une part, les secteurs value de la cote (secteurs dont la croissance des cash-flows reflétée dans la valorisation de marché est faible) pourraient trouver grâce aux yeux des investisseurs, à l’instar d’ailleurs des secteurs financiers ces dernières semaines, si l’on exclut la période de volatilité induite par la question italienne. Les secteurs de croissance, notamment la technologie américaine, ont vu leur valorisation bondir depuis la fin de la crise de 2008-2009, en absolu et en relatif par rapport aux secteurs value. Une poursuite de la hausse des taux longs aurait inévitablement des conséquences négatives sur la valorisation de marché des valeurs de croissance (actualisation des cash-flows à des taux plus élevés). D’autre part, puisque la bourse américaine a elle-même un biais orienté « croissance » - les valeurs technologiques représentent 25% de l’indice S&P 500, contre à peine 5% dans les indices européens davantage exposés aux valeurs cycliques industrielles, aux titres pétroliers et aux valeurs financières -, nous pouvons même imaginer que l’Europe faiblement valorisée puisse enfin surperformer les actifs américains. L’inflation salariale reste d’ailleurs un sujet décisif pour la bourse de New York. Une accélération du rythme de progression du coût de la main-d’œuvre au-delà de 3% par an, ce qui ne serait nullement étonnant en fin de cycle, mettrait à mal la profitabilité élevée des entreprises.


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