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Note mensuelle actions : l’édition de mai 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-05-07

Les marchés recouvrent un peu de sérénité 

  • La saison des résultats : un formidable soutien pour les actions
  • En dehors du bruit qui obscurcit l’esprit des investisseurs, les deux sujets essentiels demeurent la croissance et l’inflation.  

LA SAISON DES RÉSULTATS : UN FORMIDABLE SOUTIEN POUR LES ACTIONS 

Dans notre précédente note mensuelle, alors que l’évolution des indices boursiers ne cessait de témoigner une grande fébrilité, nous osions conseiller la patience et la tête froide, en insistant sur les forces de rappel qui agissent en faveur des actifs risqués, et plus particulièrement  en faveur des actions (insistance sur l’ampleur de la génération des cash-flows libres). Nos lecteurs ne sont pas déçus : les principaux indices boursiers ont rebondi d’environ 2% durant le mois d’avril. Les pertes enregistrées depuis le début de l’année ont pratiquement été effacées partout. L’indice MSCI World Net Return exprimé en EUR est proche du niveau atteint en début d’année. La saison des publications des résultats des entreprises, qui n’est pas terminée à l’heure où nous rédigeons ces lignes, est le moteur principal de la hausse des marchés de ces dernières semaines. Aux États-Unis, l’excellente tenue des résultats des valeurs technologiques (Apple, Facebook, Amazon,…) qui représentent environ un quart de la capitalisation boursière totale a permis aux indices de se stabiliser. En Europe, le léger reflux de l’euro face au dollar a atténué les inquiétudes quant à l’évolution des parités monétaires et à son impact sur les bénéfices des entreprises. Les effets de conversion sur les résultats publiés du premier trimestre, parfois significatifs, devraient décliner dans la seconde partie de l’année (base de comparaison plus favorable pour la parité EUR/USD). Les risques politiques ne sont plus traités que comme de simples bruits ayant peu d’effets sur les fondamentaux. Les différends commerciaux alimentés par les discours de Donald Trump, les tensions régionales liées à la Syrie qui ressemble de plus en plus à la « poudrière des Balkans » d’avant la Grande Guerre, les négociations sur le Brexit qui semblent intéresser peu de monde, ou encore les interminables gesticulations politiques italiennes en vue de former un nouveau gouvernement n’ajoutent plus à la volatilité des marchés. La Corée du Nord est sortie des radars des salles de marché. Les incertitudes autour de la position américaine sur l’accord iranien n’influencent que les cours des produits pétroliers. Les fondamentaux économiques ont repris le dessus. N’en déplaise aux plus pessimistes, ils sont loin d’être mauvais. 
En tout cas, le message général délivré par les entreprises qui ont déjà publié leurs résultats du premier trimestre et affiné dans la foulée leurs prévisions pour l’ensemble de l’année en cours n’annonce en rien un brutal ralentissement de l’activité mondiale dans les prochains mois. Certes, le point haut de l'accélération de la croissance est bien derrière nous, ce que reflètent bien les indicateurs avancés. Cependant, le rythme de croissance reste à des niveaux plus que satisfaisants, ce qui justifie les achats à bon compte par les investisseurs à l’affût de bonnes opérations.  

Finalement, les discours à la tonalité parfois très noire entendus chez plusieurs de nos confrères, scénarios abondamment relayés dans la presse qui n’hésite jamais à faire ses choux gras des journées difficiles sur les marchés boursiers – le lecteur observera d’ailleurs que les hausses des marchés font plus rarement la une des journaux -  n’ont pas trouvé confirmation dans la vie quotidienne des entreprises. Alors que la liquidité mondiale reste abondante et en croissance forte d’environ 10% par an, que les indices d’inflation et les taux d’intérêt demeurent à des niveaux modérés qui ne menacent en rien la valorisation parfois généreuse des marchés, et que le rythme de la croissance mondiale autorise à prévoir des progressions des résultats des entreprises de l’ordre de 8 à 10% par an, les investisseurs doivent se résoudre à admettre que les actions sont toujours une classe d’actifs à privilégier.   

Au risque de formuler une affirmation digne de M. de La Palice, les incertitudes sont à l’origine de la prime de risque dont profitent les investisseurs, du moins lorsque ces derniers prennent la peine de laisser le temps aux actifs financiers. Trop souvent, le temps de l’investissement des entreprises ne correspond pas à celui, bien trop court, des spéculateurs. Selon la théorie financière, l’absence totale d’incertitudes signifierait que les actions ne pourraient distribuer qu’un rendement comparable à celui du taux sans risque qui, aujourd’hui dans la zone euro, est proche de 0%  si l’on prend comme référence les obligations souveraines des pays les plus solides. Autrement dit, il serait parfaitement irrationnel d’exiger tout et son contraire : une prime de risque et donc un rendement élevé sur les actions et dans le même temps une absence de risques. Nous calculons que les principaux marchés boursiers offrent des rendements bruts attendus de l’ordre de 8 à 10% par an à long terme (avant impôts), des niveaux qui rémunèrent largement la prise de risque traduite dans l’acceptation de la volatilité quotidienne des prix de marché des actifs financiers. Sur les cinq dernières années - un intervalle de temps qui nous semble être le minimum requis pour que l’investisseur en actions puisse capter la prime de risque offerte par les bourses - la performance annualisée en EUR de l’indice mondial MSCI World Net Return (dividendes nets réinvestis) se monte à 11% , et ce malgré une longue liste d’évènements politiques et économiques funestes et des incertitudes en pagaille dont la litanie remplirait à elle seule une page entière de cette note (cf. nos commentaires des années précédentes). Il est intéressant de noter que nos propres calculs de rendements attendus effectués il y a cinq ans permettaient d’espérer 10% en moyenne annuelle avant impôts. La réalité a donc peu ou prou rejoint nos prévisions.  

Si la volatilité, qui alimente l’aversion au risque, fait souvent peur aux investisseurs, ceux-là gagneraient sans doute à se concentrer en priorité sur les véritables périls qui menacent la solidité des cash-flows et celle des bilans des entreprises cotées. A court terme, une déconnection peut se produire entre l’ampleur des variations de prix de marché et le degré de solidité des fondamentaux ; cette divergence doit être mise à profit par l’investisseur pour qui le prix payé pour acquérir un actif financier est déterminant dans l’estimation de son rendement futur. Autrement dit, c’est lorsque tous les autres investisseurs ont peur que l’on réalise les meilleurs affaires. La hausse de la volatilité observée depuis le début de l’année s’apparente davantage à un retour à la normalité. C’est la faiblesse excessive de cette volatilité durant l’année 2017 qui était une réelle anomalie de marché, ce qui nous a d’ailleurs conduit à régulièrement conseiller d’acheter de la volatilité en mettant en place des couvertures sur indices.  

EN DEHORS DU BRUIT QUI OBSCURCIT L’ESPRIT DES INVESTISSEURS, LES DEUX SUJETS ESSENTIELS DEMEURENT LA CROISSANCE ET L’INFLATION  

De nombreux investisseurs s’inquiètent légitimement de la croissance et de l’inflation à venir. Il est vrai que la stagflation, c’est-à-dire un ralentissement économique prononcé combiné à une poussée inflationniste, serait un scénario catastrophique pour les actifs financiers. Nous rappelons toutefois qu’il ne s’agit que d’un scénario parmi d’autres possibles, et que dans l’état actuel des fondamentaux économiques il ne s’agit nullement de notre hypothèse de travail centrale dans nos décisions d’allocation d’actifs. Nous continuons de parier sur une décélération mesurée de l’activité mondiale jointe à une hausse modérée des indices de prix et des taux d’intérêt, un scénario qui ne menace pas l’évolution des marchés boursiers. Les swaps d’inflation en USD et en EUR (contrats financiers qui donnent un prix de marché pour l’inflation à cinq ans dans cinq ans), en légère hausse pour le premier et en léger recul pour le second depuis le début d’année, expriment la sérénité des investisseurs face à cette problématique, en parfait accord avec les discours des banquiers centraux.

Néanmoins, il est exact que les deux sujets qui aujourd’hui font débat au sein de la communauté des économistes est tout d’abord celui de l’estimation de la croissance potentielle, autrement dit de la progression de l’économie en vitesse de croisière lorsque le taux de chômage atteint son niveau structurel, ce qui est, à peu de choses près, la situation observée partout dans le monde développé (Europe, États-Unis, Japon,…), et ensuite celui de la vitesse de convergence de la croissance mondiale vers ce rythme potentiel. Or, les économistes ne s’entendent pas sur ces estimations car la grande inconnue concerne les gains de productivité qu’il est délicat d’estimer dans un monde de plus en plus digital. Certains alertent les investisseurs en déclarant que la faiblesse des gains de productivité constatée dans le passé combinée à une pénurie de main d’œuvre qualifiée risque de conduire à un ralentissement prononcé de la croissance, par une forte contrainte sur l’offre, alors que l’inflation pourrait dans le même temps faire son grand retour. D’autres estiment que les gains de productivité sont sous-estimés car nous vivons une révolution numérique qui concerne tous les secteurs d’activité et que les indicateurs censés mesurer les effets des nouvelles technologies sur la productivité sont peu pertinents. Ces discussions peuvent sembler stériles ; elles ne le sont pas. Si les premiers ont raison, les prix des marchés financiers devront inéluctablement s’ajuster avec plus ou moins de violence à un environnement beaucoup moins favorable pour les actifs risqués ; si les seconds ont raison, les actions continueront sur leur lancée car la croissance potentielle régulièrement revue à la baisse ces dernières années - elle ne dépasserait pas 1% en zone euro et serait à peine de 2% aux États-Unis d’après le consensus – serait, grâce à la révolution digitale, revue à la hausse. Autrement dit, le cycle de reprise économique actuellement observé serait plus long que prévu. C’est le message récemment exprimé par Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), pour qui la croissance potentielle de la zone euro « n’a [peut-être] pas été aussi affectée par la crise [de 2008 et 2011-2013] que ce que l’on pensait il y a quelques années ». 

C’est bien évidemment la peur d’une croissance potentielle faible qui explique la surperformance significative des valeurs dites de « croissance » observée ces dernières années, au-delà de toute raison dans certains sous-secteurs de la cote. Certes, les valeurs technologiques ont connu une forte hausse de leur profitabilité qui justifie en partie leur parcours boursier remarquable, mais nous sommes enclins à penser que la régulation inévitable va freiner la progression des marges dans ces secteurs. Pensons par exemple aux conséquences opérationnelles potentiellement très lourdes des réglementations futures sur la protection des données telles celle que l’Union européenne s’apprête à mettre en œuvre à la fin de ce mois. L’anxiété des investisseurs à l’égard de la croissance mondiale depuis les crises de 2008 (subprimes) et 2011-2013 (dettes souveraines de la zone euro) les a conduits à se ruer sur les entreprises qui offrent les perspectives de croissance les plus alléchantes. Les gérants d’actifs ont finalement adopté l’idée que les cycles de progression dynamique de l’activité observés avant 2008 ne seraient à l’avenir plus que des exceptions. La majeure partie de la surperformance de la bourse américaine vis-à-vis des marchés européens s’explique d’ailleurs par la performance du secteur technologique dont le poids dans les indices est quatre à cinq fois supérieur outre-Atlantique. Comme ce qui est rare est destiné à être cher, la valorisation des sociétés de croissance atteint souvent des niveaux déraisonnables (Amazon, Nvidia, Tesla, Hermes,…). Si Benoît Coeuré a raison, c’est-à-dire si la croissance potentielle s’avère plus élevée que prévu, permettant au cycle économique de se prolonger au-delà de 2018-2019, les bourses européennes et les secteurs oubliés depuis de nombreuses années par les investisseurs seront les grands gagnants. La faiblesse de la croissance potentielle des années d’après-crise et la surperformance considérable des secteurs de croissance malgré leur niveau de valorisation parfois stratosphérique n’auront été qu’une anomalie. 


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