Mots-clés: actions, banques centrales, Fed, taux directeurs, bulle, situation macroéconomique, dynamique des profits.
Alors que les investisseurs ont revu à la baisse leurs attentes d’assouplissement monétaire suite aux discours prudents des responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed), les marchés d’actions ont continué sur leur lancée (nouveaux records battus à Wall Street), soutenus par les perspectives macroéconomiques plus solides qu’attendu, surtout aux États-Unis, et la stabilisation du consensus des bénéfices des sociétés. La saison des publications des résultats du 4ème trimestre 2023 a été plutôt satisfaisante, et a permis de conforter les prévisions de bénéfices jugées trop optimistes en début d’année.
En début d’année, les attentes d’assouplissement monétaire de la part de la banque centrale américaine portaient sur un total de 150 points de base (1,5%) de diminution des taux directeurs sur l’ensemble de l’année 2024. Aujourd’hui, les anticipations des marchés ne portent plus que sur un total de 75 points de base. Les multiples interventions publiques des responsables de la Fed ont eu pour principal objectif d’expliquer que la banque centrale américaine n’avait aucune raison de se presser : le processus de désinflation est certes plutôt bien engagé, mais la croissance robuste de l’activité est supérieure aux attentes et éloigne le scénario de récession. Certains économistes osent même évoquer l’hypothèse d’un « no landing » en 2024, c’est-à-dire l’absence de ralentissement économique, plutôt que celui d’un atterrissage en douceur de l’activité (« soft landing »). De plus, la bonne tenue des marchés financiers américains accentue les effets richesse en faveur des ménages, qui viennent renforcer la vigueur de la consommation domestique. Nous l’avons expliqué dans le détail dans notre note précédente : la Fed a d’excellentes raisons de patienter et d’adopter une approche prudente dans sa politique monétaire. La conséquence de cet ajustement des anticipations des marchés financiers est le redressement des taux nominaux et réels (après inflation anticipée) à court et long terme en dollar (taux réel à 10 ans à 2% contre 1,7% il y a deux mois, mais toujours inférieur au pic de 2,5% de l’été dernier). Nous notons que les dernières statistiques de l’indice PCE (personal consumption expenditures), indices d’inflation privilégiés par la Réserve fédérale, ont été plutôt rassurantes et en ligne avec les attentes du consensus : sur les douze derniers mois, l’indice PCE progresse de 2,4%. En excluant les éléments volatils (prix alimentaires et de l’énergie), la progression est de 2,8% (contre +2,9% le mois précédent). Le processus de désinflation est certes devenu plus laborieux ces derniers mois (légère réaccélération des salaires dans le secteur privé), mais il demeure bien réel. A ce propos, nous insistons à nouveau sur le redressement des gains de productivité aux États-Unis - alors que le déploiement à grande échelle de l’intelligence artificielle (IA) a à peine démarré -, qui autorise à davantage d’optimisme à l’égard de la dynamique des prix, de la croissance économique et des perspectives d’inflation. Selon nous, ce facteur, qui joue un rôle essentiel dans la trajectoire future des profits des entreprises, n’est pas suffisamment mis en exergue par les stratégistes des sociétés de gestion concurrentes. Il justifie à la fois la stabilisation des consensus bénéficiaires en 2024 dans un scénario de ralentissement de l’économie mondiale (toujours d’actualité au 1er semestre malgré le redressement des indicateurs avancés) et les records boursiers que d’aucuns jugent déconnectés de la réalité. Il est vrai que peu d’investisseurs, en début d’année, auraient accepté l’idée d’un redressement des rendements obligataires concomitant d’une progression soutenue des indices boursiers (3 à 6% en monnaie locale depuis le 1er janvier), alors que la progression des indices au dernier trimestre 2023 s’expliquait essentiellement par les fortes anticipations de détente monétaire que venait soutenir l’euphorie autour de l’IA générative. Sommes-nous en présence d’une bulle ?
L’hypothèse d’une bulle sur les marchés d’actions semble se répandre comme une trainée de poudre dans les banques privées et les sociétés de gestion d’actifs. Elle serait alimentée par l’engouement en partie irrationnel pour l’IA générative qui justifie de porter exagérément son attention sur les profits à plus long terme des entreprises qui profiteront d’un choc de productivité. Nombreux sont les investisseurs qui restent sceptiques et estiment que l’IA générative a beau jeu de justifier des valorisations de marché jugées déconnectées de la réalité, plus particulièrement parmi les valeurs technologiques. Certes, la dernière séquence de hausse des indices depuis le début de l’automne 2023 (20 à 25% pour les principaux indices mondiaux) a conduit à une contraction des primes de risque et à des multiples de valorisation tendus (rapport cours sur bénéfices attendus en 2024 autour de 18 pour les actions mondiales !), surtout sur le marché américain (rapport cours sur bénéfices autour de 20, légèrement supérieur à sa moyenne des cinq dernières années). Comparés aux marchés obligataires qui offrent à nouveau des rendements réels positifs, les indices boursiers sont plutôt généreusement valorisés. Néanmoins, ce n’est pas une raison suffisante pour anticiper le déclenchement d’une correction sévère des marchés. Il faudrait un catalyseur puissant. Or, la situation macroéconomique est moins mauvaise qu’anticipé (léger redressement des indicateurs avancés de conjoncture, même si l’activité mondiale reste plutôt morose). Les attentes de bénéfices se sont stabilisées ces dernières semaines grâce à une saison des publications des résultats trimestriels plutôt rassurante. Alors que le consensus était jugé beaucoup trop optimiste aux États-Unis au mois de janvier, la hausse anticipée des profits des entreprises cotées de 11% en 2024 (après +1% en 2023) est devenue beaucoup plus crédible. Pour l’ensemble des marchés développés, la croissance des profits est attendue à + 9% (contre +2% en 2023). C’est bien la dynamique des profits qui est le principal moteur de la hausse des marchés boursiers, et qui permet d’absorber une bonne partie des tensions sur les taux de rendement obligataires depuis le début de l’année. Nous n’adhérons pas à l’idée que les indices seraient déconnectés de la réalité économique, même si après une séquence de hausse qui dure depuis quatre mois il est tout-à-fait légitime de s’attendre à une consolidation des indices, alors que les marchés obligataires offrent des alternatives crédibles dans le cadre d’une gestion de portefeuille équilibrée. Les indicateurs techniques semblent d’ailleurs refléter un gros appétit pour le risque de la part des investisseurs, ce qui milite pour un peu de prudence à plus court terme (prises de profits). Une pause serait finalement bienvenue.
Devons-nous nous inquiéter alors d’une bulle qui serait la conséquence du poids excessif de quelques valeurs technologiques, par exemple celui des désormais célèbres « sept magnifiques » (Alphabet, Amazon.com, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia, Tesla) ? Nous ne le pensons pas. Le marché est en réalité parfaitement rationnel : les « sept magnifiques » ne constituent en rien un groupe homogène poussé par un engouement irrationnel pour l’IA. Leurs performances absolues et relatives ainsi que leurs valorisations le prouvent : si les publications des résultats de Microsoft, Amazon.com, Meta et Nvidia ont été saluées par les investisseurs, il n’en n’est pas de même pour Apple, Alphabet et Tesla dont les performances boursières sont décevantes depuis le début de l’année, et sont expliquées par des fondamentaux plus médiocres ou des perspectives incertaines. Le marché fait son travail de sélection et démontre qu’il ne suffit pas d’acheter aveuglément un thème à la mode pour gagner à coup sûr.
La situation européennes n’a quant à elle rien à envier aux marchés américains. Les indices ultraconcentrés (pondérations basées sur les capitalisations boursières) profitent largement des performances des grands leaders exposés à la croissance mondiale - et surtout nord-américaine - et à des thématiques sectorielles particulières (ASML, LVMH, Stellantis, Schneider Electric…). En dépit du plus faible poids des valeurs technologiques dans les indices européens, les performances du Vieux Continent depuis le début de l’année sont plutôt encourageantes (autour de 5% pour les indices larges de la zone euro, une progression proche de celle du marché américain en devise locale) et profitent de valorisations plus raisonnables. L’internationalisation des grandes entreprises européennes cotées sur laquelle nous insistons régulièrement (ad nauseam diront certains !) explique les tendances récentes positives des marges bénéficiaires. Nous soulignons pour terminer deux phénomènes qui contribuent à ce recul du pessimisme à l’égard des actifs européens : la forte décrue des prix énergétiques (gaz naturel, prix de gros de l’électricité, prix du CO2) de retour sur les niveaux d’avant le début du conflit en Ukraine, et qui soutient le pouvoir d’achat des Européens, et la bonne santé financière des entreprises cotées, suggérée par le faible niveau des indicateurs de coût du risque des banques européennes et la contraction des écarts de taux sur les marchés de la dette d’entreprise.
Notre analyse du début de l’automne dernier qui militait pour un rallongement de la duration des portefeuilles associé à un renforcement de la part actions s’est avérée a posteriori exacte. Faut-il craindre à présent une bulle sur les actifs risqués ? Nous ne le pensons pas : une bulle boursière s’accompagne habituellement d’un déluge d’introductions boursières (IPO ou initial public offering) à des prix souvent délirants, et à une accélération de la hausse des marchés au-delà de toute mesure. Nous n’y sommes pas. Certes, les valorisations sont exigeantes (rendement mondial des free cash flows autour de 4%, inférieur à sa moyenne de long terme de 5%), mais ce n’est pas suffisant pour déclencher une correction brutale et généralisée. Aujourd’hui, nous ne voyons que la matérialisation de risques géopolitiques majeurs pour casser durablement la dynamique des marchés financiers. La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne devraient baisser leurs taux directeurs dans le courant de l’année, même si l’agenda des prochaines baisses de taux reste incertain. La conjoncture mondiale a dépassé son point bas (redressement des indicateurs avancés). La trajectoire des profits des entreprises devrait continuer de soutenir les indices malgré la vraisemblance d’une pause à plus court terme.
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