Mots-clés: Trump, Élection Américaine, US, UE.
La victoire éclatante de Donald Trump retentit comme un coup de tonnerre. Si elle annonce une politique macroéconomique tournée vers davantage de croissance, elle sera sans doute également synonyme de creusement du déficit public et de pressions inflationnistes, la nouvelle Administration tirant pleinement profit du « privilège exorbitant » du dollar qui reste la principale monnaie de réserve dans le monde. Pour l’Union européenne, la récréation est terminée pour de bon. Si ses responsables politiques ont cru pouvoir snober le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité, ils n’auront d’autre choix que de bander leurs muscles face au nouveau locataire de la Maison-Blanche. Pour les institutions de Bruxelles, une introspection est devenue nécessaire, sous peine de mettre en péril le projet européen. La forte réaction à la hausse des actions américaines dans les heures qui ont suivi les résultats des élections annonce la couleur : Donald Trump devrait conforter le leadership économique des États-Unis, au grand dam de l’UE et du « Sud global ».
TRUMP, LE PHÉNOMENE POLITIQUE IMCOMPRIS PAR LES EUROPÉENS
Nous avons volontairement retardé la publication de notre lettre mensuelle afin d’obtenir les résultats complets des élections américaines. En effet, les enjeux ne se résumaient pas au duel insoutenable entre Kamala Harris et Donald Trump. La nouvelle couleur politique de la majorité dans les deux assemblées parlementaires du Congrès, la Chambre des représentants et le Sénat, joue un rôle fondamental pour appréhender les futurs choix de politique économique des États-Unis.
Pour rappel, le président n’a essentiellement la main que sur la politique étrangère et les tarifs douaniers pour lesquels il peut se passer de l’accord du Congrès. Il n’en va pas de même pour la politique budgétaire et les orientations économiques et sociales. Donald Trump a remporté une victoire décisive, éclatante, et bien évidemment inattendue lorsque l’on se rappelle les turpitudes du candidat républicain. Le Grand Old Party a reconquis le Sénat et gardera sans doute sa majorité à la Chambre des représentants. Il faut admettre que les Européens éprouvent le plus grand mal à comprendre les ressorts de la politique américaine, où souvent l’indigence des débats publics le dispute au côté clownesque et brutal du spectacle proposé. Durant cette campagne électorale au suspens inégalé et aux rebondissements multiples, trois phénomènes ont certainement été sous-estimés par les chroniqueurs politiques européens. Pour commencer, le rejet par une majorité de la population de l’idéologie woke, qui divise la société depuis deux décennies et dont les manifestations ubuesques dans les grandes universités de la Ivy League de la côte est après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 ont inquiété de nombreux citoyens, qui voient d’un mauvais œil cette future élite pétrie de lubies identitaires conquérir les leviers de pouvoir à Washington. Nombre d’analystes politiques ont volontairement omis de rappeler qu’en 2020, à l’occasion de la primaire démocrate pour choisir le candidat à l’élection présidentielle, Kamala Harris avait adopté une orientation proche de l’extrême gauche personnifiée par Bernie Sanders (elle dut finalement jeter l’éponge). Son indispensable recentrage à l’occasion de la campagne qui vient de s’achever (l'aile woke du Parti démocrate n’a pas eu voix au chapitre lors de la convention de Washington) n’a manifestement pas convaincu les électeurs modérés ou indécis. Kamala Haris ne s’est jamais vraiment démarquée de la politique identitaire de son parti - souvenons-nous de ses soutiens organisés selon leur genre et leur ethnie durant la convention, avec, à la limite du burlesque, le groupe appelé « White Dudes for Harris » (les mecs blancs pour Harris). La politique résolument progressiste de son colistier Tim Walz, gouverneur du Minnesota, n’a bien sûr pas aidé. Donald Trump a réussi de son côté à dynamiter cette logique identitaire en rassemblant bien au-delà des « travailleurs blancs en colère », pour reprendre une expression caricaturale. Vient ensuite le phénomène religieux que nous ne parvenons plus à comprendre dans nos sociétés européennes sécularisées et de plus en plus athées, mais qui continue de jouer un rôle fondamental dans la politique américaine - le président nouvellement élu prête serment sur la bible, plus qu’un simple symbole. Sans doute faut-il y voir l’une des raisons pour lesquelles 45% de la population d’origine hispanique aux valeurs plus conservatrices a voté pour Donald Trump, et ce malgré ses projets contre l’immigration illégale. Par ailleurs, malgré l’accent mis sur le droit à l’avortement par les démocrates, 44% des femmes ont voté pour le candidat républicain, 2% de plus qu’en 2020. Pour finir, et ce n’est pas le moins important, le vainqueur républicain incarne plus sûrement le choix de la croissance économique (même si les démocrates n’ont pas à rougir du bilan de Joe Biden malgré le choc inflationniste dont il n’est pas responsable). Contrairement à ce qui a souvent été écrit au sujet de son premier mandat, le bilan de Donald Trump fut loin d’être pitoyable en la matière.
C’est bien la crise sanitaire de la Covid-19 qui l’empêcha d’être réélu en 2020, et aucunement ses performances économiques. La conjugaison des trois phénomènes que nous venons de décrire explique pourquoi Donald Trump a gagné le vote populaire, une première pour un candidat républicain depuis Georges W. Bush Jr. en 2004.
Que faut-il attendre dans les prochains mois, alors que Donald Trump contrôle le Parti républicain plus sûrement qu’en 2016 et devrait nommer aux postes clés de l’Administration une garde fidèle, bien plus loyale que lors de son premier mandat présidentiel ? Une politique résolument tournée vers la croissance économique reposant sur deux piliers : une baisse de la pression fiscale et une nouvelle vague de dérégulation (notamment dans l’énergie et les secteurs financiers). Certes, les investisseurs pourront craindre une nouvelle dégradation de la situation budgétaire des États-Unis, ce qui se reflète déjà dans l’envolée récente des taux d’intérêt des emprunts du Trésor (taux à 10 ans proche de 4,40%, alors qu’il avait reflué vers 3,60% il y a quelques semaines). Nous notons toutefois que le dollar s’est renforcé à l’annonce des résultats des élections et que les anticipations d’inflation reflétées dans le contrat financier swap 5 ans dans 5 ans n’ont progressé que modérément (2,56% contre 2,50% avant les résultats, un niveau proche de celui observé à la fin du printemps), ce qui indique que les marchés ne sont pas exagérément inquiets. Une éventuelle guerre commerciale entre les États-Unis et ses principaux partenaires alimentée par une hausse des tarifs douaniers pourrait évidemment raviver les tensions inflationnistes et freiner le rythme d’assouplissement monétaire de la Réserve fédérale. Pour le moment, la Fed continue sur sa lancée (nouvelle baisse de son principal taux directeur de 0,25% le 7 novembre dernier). Toutefois, les investisseurs auraient tort de faire un procès d’intention à la nouvelle Administration. Il nous faudra juger sur pièces : Trump est un pragmatique, et non pas un idéologue obtus.
Une nouvelle fois, les États-Unis font le choix de la croissance. Dans le passé, ce choix s’est souvent avéré judicieux. En réalité, il y a davantage de continuité que de rupture à attendre entre les deux Administrations démocrate et républicaine qui partagent le même désir de favoriser l’industrie américaine - en lui assurant au passage une énergie abondante et bon marché -, et de soutenir la croissance potentielle par l’investissement et l’innovation. Les deux partis profitent très largement du « privilège exorbitant » du dollar et n’hésitent pas à lancer de vastes programmes de soutien à l’économie financés par l’endettement public. La seule différence majeure concerne la manière : le Parti démocrate fait le choix de la dépense publique (à vocation plus sociale) alors que le Parti républicain favorise les baisses d’impôts, mais les deux camps sont conscients de la nécessité de mener une politique de l’offre pour préserver le leadership mondial du pays, et acceptent si nécessaire une dose de protectionnisme - l’Administration de Joe Biden a travaillé dans la continuité de celle de Trump dès 2021 face à la Chine. Le seul aspect qui nous semble le plus problématique est la gestion de l’immigration, facteur essentiel dans le dynamisme du marché de l’emploi et la modération salariale ces dernières années. Ici aussi, il nous faudra juger sur pièces.
Il reste la question de la politique étrangère. Donald Trump défend plutôt une politique isolationniste, mais cela ne signifie nullement qu’il acceptera n’importe quoi de la part des régimes autoritaires. Sa politique en Irak face à l’Iran et à la Russie l’avait démontré durant son premier mandat : il peut agit avec détermination en cas de nécessité. Bien évidemment, les marchés salueraient un gel du conflit entre la Russie et l’Ukraine dans le cadre d’un deal orchestré directement entre Washington et Moscou. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les négociations englobent les sujets de tension au Moyen-Orient entre l’Iran et Israël. Nous sommes plutôt enclins à accorder notre confiance à la nouvelle Administration dont le parti s’est débarrassé de ses faucons de l’ère Reagan-Bush (senior et junior).
L'UNION EUROPÉENNE AU PIED DU MUR
Notre lettre mensuelle précédente nous a donné l’occasion de parler du rapport de Mario Draghi, ancien président de la BCE et du Conseil des ministres d’Italie, au sujet de la compétitivité de l’UE. Ce rapport, accueilli froidement voire snobé par les responsables politiques européens, a jeté un pavé dans la mare, en remettant en cause les programmes et les politiques des dernières années, mélange de rage réglementaire, normative, et de directives idéologiques sans beaucoup de cohérence, ni surtout beaucoup d’effet sur la réindustrialisation, l’innovation, la productivité et la croissance potentielle du l’Union. La directive sur les rapports extra-financiers CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) en offre une nouvelle illustration éclatante. Alors que les bourses américaines euphoriques s’envolaient de plusieurs pourcents dans les heures qui suivirent l’annonce de la victoire de Donald Trump, les actions européennes terminaient la séance dans le rouge, tout un symbole que les investisseurs auraient tort de sous-estimer. Les institutions de l’UE, dont les candidats à la prochaine Commission s’apprêtent à passer leur grand oral devant les députés européens, doivent impérativement se ressaisir, en privilégiant le pragmatisme aux lubies idéologiques incapables d’assurer la prospérité du Vieux Continent. Nous rappelions dans notre lettre du mois d’octobre que le processus de relocalisation des industries dans les secteurs clés est aujourd’hui freiné par les prix énergétiques, les coûts de production, et deux décennies de lobby environnemental contre l’industrie réputée polluante (Où en sont les projets miniers indispensables à la transition énergétique et à la révolution numérique ?). Les reports de projets et les annonces de fermeture d’usines se multiplient, notamment en Allemagne (cf. la crise qui frappe Volkswagen). L’UE risque à présent de passer à côté de la grande révolution des années 2020, à savoir celle de l’intelligence artificielle, en favorisant les normes plutôt que l’innovation et l’investissement, après avoir déjà failli dans celle du cloud et du big data (les hyperscalers sont très majoritairement américains). Aujourd’hui, un entrepreneur européen dans la technologie n’hésiterait sans doute pas à choisir les États-Unis pour y bénéficier de leur écosystème propice à l’innovation et aux affaires.
En attendant le réveil de l’UE, et dans le cadre d’une Administration républicaine à Washington, les investisseurs devront favoriser les entreprises européennes qui disposent d’une base de production importante en dehors de l’UE, et en particulier aux États-Unis, ce qui leur offrira une bonne couverture contre les risques de guerre commerciale à grands coups de hausse des tarifs douaniers. De telles entreprises existent ; elles ont l’avantage d’être moins chèrement valorisées que leurs concurrents cotés à Wall Street.
CONCLUSION
La victoire de Donald Trump écarte pour de bon le scénario de récession aux États-Unis, scénario auquel nous n’avons jamais cru. Néanmoins, elle laisse craindre le retour des pressions inflationnistes
(tarifs douaniers, tensions commerciales, diminution des flux migratoires), et une politique monétaire plus restrictive qu’attendu du côté de la Réserve fédérale. Nous ne ferons pas de procès d’intention et jugerons sur pièces
la nouvelle Administration aux commandes à Washington. La cherté des actions américaines et la surconcentration des indices militent néanmoins pour davantage de diversification dans les secteurs qui profiteront du dynamisme économique. Le retour de Donald Trump retentit comme un coup de tonnerre pour l’UE qui doit impérativement se ressaisir, sous peine de menacer le projet européen. La décote des actions du Vieux Continent face à Wall Street ne pourra se résorber que si l’Europe fait le choix de la croissance et de la prospérité.
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