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Une année 2023 riche de défis et d’opportunités Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2023-01-02

Mots-clés: perspectives, inflation, banques centrales, Fed, actions européennes, Chine, croissance mondiale, gestion value, stock picking, diversification, etc.

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Le mois de décembre n’aura pas été synonyme de rallye de fin d’année (repli des principaux indices de 4 à 8%). Le scénario, devenu consensuel durant l’automne, d’une récession courte et modérée, associée à un pivot des banques centrales dès le second semestre 2023 (assouplissement monétaire), a été quelque peu remis en question par les discours résolus des responsables de la Réserve fédérale (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE) qui ont insisté sur leur ferme détermination à vaincre l’inflation. Pourtant, tout n’est pas redevenu noir pour autant : les prix du gaz naturel sur les marchés européens de gros ont fortement reflué (-50% sur le mois de décembre) sous l’effet d’un hiver plutôt doux et d’une forte contraction de la demande finale (-20%). Du côté des États-Unis, le pic d’inflation est bien dépassé. Malgré la bonne résistance du marché de l’emploi, les signes de désinflation se multiplient. La Chine a abandonné sa stratégie zéro Covid, ouvrant la voie à une reprise cyclique de l’activité économique dans un proche avenir. Le scénario d’une récession modérée au 1er trimestre n’est pas à exclure. Avant de détailler nos vues pour 2023, nous revenons brièvement sur les grandes tendances du millésime 2022.

Rappel des tendances de 2022 et introduction à 2023

L’année boursière 2022 a été frappée par la fin de la liquidité surabondante dont les marchés financiers ont bénéficié durant la période 2009-2021 (en dehors de quelques courtes exceptions). Le choc inflationniste le plus brutal depuis 40 ans, accompagné d’un violent resserrement des conditions financières (forte hausse des taux d’intérêt réels), a définitivement sonné le glas de la reprise de l’activité amorcée dès la fin de la pandémie de Covid. Les perspectives 2023 de croissance bénéficiaire des entreprises se sont depuis significativement détériorées alors que le contexte géopolitique (guerre en Ukraine, tensions sino-américaines) a continué d’alimenter la volatilité des marchés. Parmi les facteurs positifs qui ont justifié la reprise des indices boursiers entre la mi-octobre et la fin du mois de novembre, nous soulignons l’ancrage des anticipations d’inflation qui témoigne de la crédibilité intacte des banques centrales, et le dépassement du pic d’inflation aux États-Unis qui ouvre la voie à la désinflation favorisée par le retournement des prix énergétiques et des matières premières. L’emballement des salaires, imparfaitement indexés sur les prix à la consommation, n’a pas eu lieu. Leur progression (5-6% par an) reste très en-deçà du rythme de l’inflation annuelle, ce qui distingue l’environnement présent du choc inflationniste des années 70 caractérisé par une boucle prix-salaires devenue incontrôlable. Durant le mois de décembre, l’optimisme recouvré des investisseurs a néanmoins été sérieusement tempéré par les discours des responsables de la Fed et de la BCE qui ont insisté sur leur ferme résolution à vaincre l’inflation. L’institution monétaire de la zone euro a par ailleurs reporté d’une année, à 2025, son objectif de retour de l’inflation à 2%.

Si le scénario plutôt favorable d’une récession technique et modérée n’est pas à exclure, les chances d’un pivot des banques centrales dès le second semestre 2023 sont devenues minces, à l’aune des dernières conférences de presse de la Fed et de la BCE. Les marchés devraient sans nul doute rester fortement tributaires de la trajectoire de l’inflation (vitesse et ampleur de la phase de désinflation) et des politiques monétaires qui resteront probablement restrictives durant une plus longue période de temps, éloignant donc la perspective d’un pivot à au-delà de la fin de l’année 2023. Nous insistons, pour terminer, sur la trajectoire attendue amorphe des profits des entreprises cotées, qui ne viendra pas au secours des performances boursières dans le proche avenir.

Actions américaines

La performance 2023 des actions américaines dépendra beaucoup de la vitesse de la désinflation et de la trajectoire de la politique monétaire de la Réserve fédérale. Les premiers signes de décélération de l’inflation et les débats au sein de l’institution monétaire ont alimenté les espoirs d’un pic des taux directeurs au printemps prochain. Nombreux sont ceux qui anticipent déjà un pivot dès le second semestre 2023 (assouplissement monétaire), alors que la Fed n’a que modérément fléchi son discours (elle prévoit des taux directeurs élevés pour une durée plus longue). La forte inversion de la courbe des taux d’intérêt en dollar reflète ce consensus favorable pour les actifs risqués en général et les actions en particulier. La bourse de New York devra néanmoins faire face à des vents contraires durant le premier semestre. Même si l’économie américaine est en mesure d’éviter une récession sévère (solidité des bilans des entreprises, inertie des carnets de commandes post-Covid), le ralentissement des secteurs sensibles aux conditions financières et l’impact négatif de la perte de pouvoir d’achat réel des ménages sur la consommation (deux tiers du PIB des États-Unis) menaceront la profitabilité des entreprises dont le cycle des marges bénéficiaires s’est déjà retourné. Le consensus 2023 des bénéfices estimés pourrait s’avérer encore trop optimiste malgré les fortes révisions à la baisse enregistrées depuis l’été dernier. Valorisée à 17 fois les bénéfices estimés sur les douze prochains mois, un niveau en ligne avec la moyenne des dix dernières années, la bourse américaine ne peut être qualifiée de bon marché dans une phase de ralentissement prononcé de l’activité. La hausse des rendements obligataires a par ailleurs comprimé la prime de risque. Toutefois, dans un scénario de récession modérée accompagnée de la perspective d’un pivot de la Fed à partir de la fin de 2023, les actions américaines devraient bénéficier des anticipations de reprise économique dans la seconde partie de l’année et de la baisse éventuelle du dollar (conversion des profits générés à l’étranger). Les investisseurs surveilleront plus particulièrement l’évolution des taux d’intérêt réels à long terme (après inflation anticipée). Un retour durable du taux réel à 10 ans au-dessus de 2% (contre 1,5% aujourd’hui) entraînerait une compression rapide des multiples de valorisation.

Actions européennes

Confrontée à l’une des plus graves crises énergétiques depuis les années 70, l’Europe semble beaucoup moins bien armée que les États-Unis dans un contexte géopolitique particulièrement anxiogène. Pourtant, dans cet environnement inédit, les actions européennes sont parvenues à surperformer leurs concurrents américains trop chèrement valorisés dans un contexte de hausse généralisée des taux réels, alimentée par la pression des politiques monétaires de plus en plus restrictives. Le consensus bénéficiaire européen pour le millésime 2022 s’est révélé plus résistant, en partie grâce à la faiblesse de l’euro. Soutenue dans un premier temps par l’inertie de la reprise de l’activité post-Covid (plus particulièrement dans les services), la croissance européenne 2022 a largement bénéficié des politiques de soutien budgétaire (contrairement aux États-Unis) qui ont porté artificiellement la demande et accentué les pressions inflationnistes, au grand dam de la BCE. Ainsi, le coût du choc énergétique (environ 5% du PIB européen) a été en grande partie absorbé par les déficits budgétaires. Grâce au ralentissement économique de la Chine (demande de gaz naturel en baisse de 20% en 2022) et en partie grâce à la poursuite des importations russes avant l’embargo, l’Europe est parvenue à remplir ses stocks stratégiques de gaz naturel et à sécuriser ses besoins pour l’hiver 2022-2023. La destruction de la demande d’énergie dans l’Union (-20% pour le gaz naturel) et les températures plutôt clémentes ont également contribué au reflux généralisé des prix du gaz et de l’électricité à la fin du 4ème trimestre. Cependant, l’approvisionnement de l’Europe en hydrocarbures demeure un problème structurel pour les prochaines années, malgré l’accélération du déploiement des énergies renouvelables. La hausse de la production solaire et éolienne ne devrait combler qu’un peu plus de 20% des besoins de gaz non couverts par des contrats en 2023 (source : AIE). Une éventuelle reprise économique de la Chine au printemps prochain (sortie de la politique du zéro Covid) aggraverait inévitablement le déséquilibre entre l’offre et la demande de gaz naturel, alors que le cycle d’investissement dans le GNL ne permet d’espérer un rééquilibrage des marchés qu’en 2025 au plus tôt. La question du remplacement du gaz russe n’est donc pas entièrement réglée.

Dans ce contexte incertain, alors que le cycle de désinflation n’a pas encore débuté en Europe, les actifs du Vieux Continent semblent condamnés à souffrir d’une décote structurelle liée à la perte de compétitivité des industries énergivores et à la proximité géographique de la guerre en Ukraine (rapport cours sur bénéfices estimés pour l’année 2023 des bourses européennes 3 à 4 points inférieur à celui de la bourse de New York). C’est oublier un peu vite que les marchés européens sont depuis longtemps davantage sensibles à la croissance mondiale qu’à l’activité du Vieux Continent, ce qui d’ailleurs les distingue des actions américaines. La succession des crises économiques et financières a considérablement accéléré depuis vingt ans le processus de diversification internationale des entreprises, reflété dans la moindre volatilité de leurs revenus et la plus grande résistance de leur profitabilité aux chocs externes. C’est aussi cela que les investisseurs ont salué en 2022 alors que la tendance à la démondialisation et à la régionalisation des chaînes de valeur posent de nouveaux défis. Notre plaidoyer pour ne pas écarter les actifs européens d’une allocation de portefeuille équilibrée ne saurait oublier les efforts entrepris par Bruxelles pour que l’Union sorte de sa politique entièrement centrée sur la concurrence, au bénéfice des consommateurs finaux mais au détriment de la défense des intérêts stratégiques de l’Europe. Malgré leurs inévitables imperfections et les résistances de l’Allemagne, les directives adoptées par la Commission dans les secteurs énergétique, numérique et la fiscalité carbone aux frontières sont autant de preuves que l’Union a enfin décidé de défendre ses intérêts et de sortir de sa doctrine mercantiliste naïve à l’égard des deux blocs américain et chinois.

Nous ne serions pas complets si nous omettions de souligner que les taux d’intérêt réels sont très inférieurs à ceux en vigueur aux États-Unis. La prime de risque offerte par les actions européennes est de loin plus attrayante, en dépit d’un cycle de resserrement monétaire qui devrait se durcir dans les prochains mois.

Marchés émergents et Chine

La perspective d’un pivot de la Réserve fédérale à la charnière des années 2023/2024 serait plutôt une bonne nouvelle pour les actifs émergents. La baisse des prix de l’énergie et des matières premières serait également un facteur positif pour les pays pénalisés par leurs déficits commerciaux. A contrario, les pays exportateurs de matières premières seraient moins favorisés durant le cycle de désinflation. Cependant, au sujet des marchés émergents, la principale question concernera la Chine, après une année 2022 particulièrement décevante. Son économie a connu une décélération plus sévère que prévu sous l’effet de la désastreuse politique du zéro Covid, de la correction du marché immobilier, de la perte de confiance des ménages et des entreprises, et de la reprise en main de pans entiers du secteur privé par le Parti communiste chinois. Alors que le XXème Congrès du PCC a entériné la toute-puissance du clan de Xi Jinping au sein des instances dirigeantes, et la fin de la gestion gouvernementale collégiale instaurée par Deng Xiaoping, la question de la qualité de la gouvernance publique est devenue prégnante aux yeux des investisseurs étrangers. L’irrationnalité de la politique du zéro Covid, l’hypernationalisme et la détérioration significative des relations avec l’Occident démocratique, qui renforce l’isolement de la Chine, soulèvent la question de l’efficacité du pilotage macroéconomique, et justifient en grande partie la décote dont souffrent les actions chinoises par rapport aux actifs occidentaux (prime de risque politique). Par ailleurs, les sanctions américaines dans le secteur stratégique des semi-conducteurs sont amenées à freiner le développement du pays.

S’agissant du SARS-CoV-2, la contestation sociale qui a touché la plupart des grandes villes et concerné la jeunesse autant que les ouvriers a fini par faire plier le régime qui s’inquiète à juste titre des conséquences des restrictions sanitaires sur la compétitivité des entreprises exportatrices (cf. les tensions chez Foxconn durant l’automne, le principal sous-traitant d’Apple qui réfléchit de son côté à des plans de réorganisation de ses chaînes logistiques en-dehors de la Chine). Elle met en exergue les fragilités structurelles d’un pays qui doit faire face au vieillissement accéléré de sa population active, à la baisse tendancielle de sa croissance économique potentielle et à un chômage des jeunes de 20%. Faisant fi de la couverture vaccinale insuffisante de la population âgée (seulement 40% des plus de 80 ans ont reçu une troisième dose d’un vaccin local à l’efficacité contestée), la Chine a finalement décidé d’assouplir les restrictions sanitaires. Toutefois, le récent relâchement des contraintes a fait repartir de plus belle la pandémie, accentuant les risques de nouvelles perturbations économiques, en particulier dans les chaînes logistiques. Malgré tout, les investisseurs semblent toujours vouloir parier sur de meilleures perspectives cycliques dès le printemps 2023 (fort redressement des actions chinoises depuis la fin du XXème Congrès). Une éventuelle reprise de l’économie chinoise cette année contribuera à soutenir la croissance mondiale et à fluidifier les échanges commerciaux internationaux.

Styles de gestion et conclusion

En 2022, le redressement des taux d’intérêt réels a favorisé la gestion dite value (les titres dont la valorisation reflète de faibles attentes de croissance des revenus) au détriment de la croissance chèrement valorisée et aux attentes bénéficiaires trop optimistes. Dans un environnement incertain, les secteurs les plus défensifs (services aux collectivités, secteur pharmaceutique, boissons et alimentation) ont logiquement surperformé les segments les plus cycliques de la cote et les secteurs sensibles aux taux d’intérêt (immobilier) et à la consommation des ménages (distribution). On notera également la très bonne tenue des secteurs pétrole et gaz et de la défense, largement favorisés par le choc énergétique et la guerre en Ukraine, et ce malgré le poids grandissant des gestions ESG (acronyme pour Environnement, Social et Gouvernance). Le secteur de l’assurance a également tiré son épingle du jeu (gestion opérationnelle satisfaisante malgré les catastrophes naturelles, dynamique favorable des prix en assurance non vie, augmentation des rendements financiers des portefeuilles d’actifs).

Qu’attendre de 2023 ? La perspective d’un fort ralentissement de la conjoncture mondiale au premier trimestre 2023, combinée à des consensus d’estimations bénéficiaires qui doivent sans doute encore s’ajuster à la baisse de quelques pourcents, milite pour une stratégie d’allocation prudente qui privilégie les entreprises financièrement les plus solides (peu sensibles au resserrement des conditions financières), et dont la profitabilité est protégée par un pricing power suffisamment fort pour pouvoir répercuter les hausses de coûts, notamment salariaux, sur leurs prix de vente. L’environnement se prête merveilleusement bien aux stratégies actives de stock picking (sélection de valeurs individuelles) abandonnées par les gérants d’actifs durant la période de taux d’intérêt réels négatifs au profit de stratégies d’allocation passives ou semi-passives faisant la part belle aux fonds d’investissement indexés. A condition d’offrir suffisamment de valeur aux investisseurs, les gagnants de la crise devraient confirmer leur statut de leader boursier en 2023. Mais les investisseurs auraient sans doute tort d’abandonner un peu trop rapidement les valeurs les plus cycliques dont les attentes bénéficiaires reflètent déjà un scénario plutôt sombre (construction, constructeurs automobiles, matières premières, chimie, banques). En effet, les risques de poursuite du redressement des taux réels persistent, ce qui milite pour une bonne diversification entre les thèmes value (secteurs énergétiques et financiers toujours fortement décotés) et la croissance. Dans ce dernier segment, le marché baissier qui a frappé le secteur technologique, non immunisé face au ralentissement économique, a recréé les conditions favorables à la chasse aux bonnes affaires, notamment dans le segment des semi-conducteurs et les services informatiques.

Il nous faut reconnaître que la trajectoire macroéconomique 2023 est à ce stade très incertaine. Elle dépendra beaucoup de l’évolution de la guerre en Ukraine dont les risques d’escalade n’ont pas disparu, loin s’en faut. Les consensus en matière d’inflation, de taux d’intérêt et de profits des entreprises pourraient donc fluctuer significativement, alimentant de ce fait la volatilité des marchés financiers. Seule une diversification géographique et sectorielle optimale, combinant différents style de gestion et centrée sur une sélection pointue de valeurs individuelles, sera à même de nous permettre de traverser l’année 2023 avec sérénité. Ce nouveau millésime nous confrontera à coup sûr à de nombreux défis, mais offrira aussi d’intéressantes opportunités aux investisseurs patients et rigoureux. Nous profitons de cette conclusion plus optimiste pour vous souhaiter nos meilleurs vœux bousiers pour l’année 2023.


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